lundi 22 juin 2009

les iles canarie



Les îles Canaries
(Islas Canarias)

Espagne


Capitale: Las Palmas
Population: 1,7 million (2001)
Langue officielle: castillan
Groupe majoritaire: castillan (80 %)
Groupes minoritaires: espagnol canarien, arabe marocain, amazigh, arabe hassanya, anglais, italien, allemand, néerlandais, français, chinois, etc.
Système politique: l’une des 17 communautés autonomes d’Espagne
Articles constitutionnels (langue): art. 3 de la Constitution espagnole de 1978; aucune disposition dans le Statut d'autonomie de 1982
Lois linguistiques: loi 2/1987 du 30 mars relative à Fonction publique canarienne; loi 3/1990 du 22 février relative au patrimoine documentaire et aux archives des îles Canaries ; décret 46/1993 du 26 mars approuvant le programme d'études de l'enseignement primaire; loi 13/2003 du 4 avril relative à l'éducation et la formation permanente des adultes des Canaries; Décret 363/2007 du 2 octobre instaurant le programme d'études du niveau élémentaire dans l'enseignement du régime spécial des langues anglaise, allemande, française, italienne, espagnole langue étrangère, chinoise, russe et arabe dans la Communauté autonome des îles Canaries.


1 Situation générale
Situées au nord-ouest du Sahara-Occidental, les îles Canaries (en espagnol: Islas Canarias) forment un archipel de l'océan Atlantique et occupent une superficie de 7447 km². L'archipel est distante de quelque 150 km des côtes africaines (Sahara-Occidental) et à plus de 1000 km du sud de l'Espagne. Bien que les Canaries fassent partie de l'une des 17 Communautés autonomes de l'Espagne sous le nom de Comunidad Autónoma de Canarias, elles sont situées en Afrique.

L'archipel des Canaries se compose de sept îles principales, en plus de quelques îlots déserts (Graciosa, Montaña Clara, Legranza et Lobos): Tenerife, Fuerteventura, la Grande Canarie, Lanzarote, La Palma, La Gomera et Hierro. Au point de vue administratif, les îles sont divisées en deux provinces : Las Palmas (les îles orientales: Gran Canaria, Fuerteventura et Lanzarote) et Santa Cruz de Tenerife (les îles occidentales: Tenerife, La Gomera, Hierro et La Palma). La capitale est Las Palmas. Avec les enclaves de Ceuta (au nord du Maroc) et Melilla (sur sur la côte méditerranéenne du Maroc), c'est tout ce qu'il reste de l'ancien empire d'Espagne. Les îles Canaries sont reconnues par l'Union africaine comme territoire «africain» occupé par une puissance «étrangère».




Le drapeau des îles Canaries est formé de trois bandes verticales, blanches, bleue et jaune. Le bleu est composé d'un écusson comportant sept îles d’argent, le tout surmonté d’une couronne d’or et d’un ruban argenté avec la devise «Oceano» et encadré par deux chiens représentant les deux provinces de l'île. Rappelons que le mot Canaries provient du latin canis signifiant «chien», en raison des nombreux chiens qui peuplaient les îles lorsque les Espagnols les ont découvertes au XVe siècle; les chiens du blason rappellent le Prensa Canaria, la race propre aux Canaries, ce qui n'a rien à voir avec les oiseaux appelés «canaris».

2 Données démolinguistiques
La population des îles était de 1 694 477 habitants. en 2001. La population a augmenté approximativement de 120 % entre 1940 et 1991. Les trois îles les plus peuplées sont Tenerife (838 877), Grande Canarie (802 247) et Lanzarote (123 039).

2.1 L'espagnol

La langue officielle est le castillan («espagnol»). C'est la langue de l'Administration et de la plupart des Espagnols résidant dans l'archipel, car plus de 90 % des insulaires sont des ressortissants espagnols parlant généralement le castillan, mais aussi le catalan, le galicien, le basque, etc. Les immigrants en provenance de l'Amérique du Sud parlent une langue espagnole quelque peu différente.

2.2 Le canarien

Toutefois, la variété espagnole locale est le canarien (canario en espagnol) qui compte de nombreuses particularités phonétiques apparentées à l'andalou oriental (ou «castillan méridional»). Les îles Canaries ont reçu des apports démographiques provenant de groupes très différents et de tribus berbères continentales; c'est pourquoi il est possible de trouver dans une même île des éléments d'origines ethniques et linguistiques différentes.

En Espagne, on utilise généralement l'expression «modalidad lingüística» (''modalité linguistique'') pour désigner ce qu'on appelle davantage en français une «variété linguistique». Dans l'archipel des Canaries, il s'agit de l'espagnol atlantique ou méridional (''español atlántico o meridional''). C'est le plus loin qu'on puisse aller pour désigner la variété particulière du canarien (canario), forcément associée à l'espagnol. D'ailleurs, on utilise généralement l'expression español canario (en français: «espagnol canarien») ou español de Canarias («espagnol des Canaries»), comme quoi il s'agit bel et bien d'une forme d'espagnol et non d'une langue distincte. Sur le continent, on utilise davantage du terme «castillan» plutôt que le mot «espagnol».

En réalité, le canarien est relativement similaire à l'andalou oriental parlé dans le sud-est de l'Espagne (en Andalousie, en Extremadure et en Murcie), mais il compte quelques différences phonétiques et grammaticales particulières. Au plan du lexique, le canarien diffère aussi du castillan par ses archaïsmes (les ''arcaísmos'') et ses andalousismes (les ''andalucismos'') particuliers (sardinel, empoyatarse, embelesarse, barcina, etc.), mais aussi par ses emprunts provenant du portugais (les ''portuguesismos'' ou lusophonismes), du galicien (les ''galicianismos''), du guanche (les ''guanchismos''), de l'anglo-américain (les ''americanismos'') et de l'hispano-américain (les ''hispanoamericanismos'') :

Ganche Portugais ou galicien Anglais Hispano-américain
Arique au lieu de soga (corde)
Chola au lieu de calzado de playa (chaussure de plage)
Gánigo au lieu de vasija de barro (poterie)
Baifo au lieu de cabrito (cabri)
Mago au lieu de campesino (paysan)
Tagoror au lieu de lugar de reunión (local de réunion) Cañoto au lieu de zurdo (gauche)
Enchumbado au lieu de mojado (mouillé)
Escachar au lieu de aplastar (écraser)
Gago au lieu de tartamudo (bègue) Boncho au lieu de fiesta (Creyón au lieu de lápiz de color (Queque au lieu de bizcocho, bizcochon (Moni au lieu de dinero (Trinque au lieu de bebida (Fajarse au lieu de pelearse (battre)
Guagua au lieu de autobús.
Singuango au lieu de bobo (idiot)
Tenis au lieu de zapatillas deportivas (escarpins sportifs)

Les arabismes (les ''arabismos'') constituent également un apport lexical intéressant dans cette variété linguistique des îles Canaries.

Cela étant dit, les particularismes canariens semblent en nette régression depuis plusieurs années au profit du castillan. Les moyens modernes de communication, l'immigration et la suppression ou l'abandon de nombreux métiers traditionnels ont eu des effets considérables sur le vocabulaire des insulaires. Cela signifie aussi que les Canariens vont éventuellement perdre une partie de leur identité qu'on percevait dans leur variété linguistique. Certains insulaires dits «nationalistes» estiment qu'il s'agit là un patrimoine qu'il conviendrait de sauvegarder.

2.3 Le guanche, le berbère (amazigh) et l'arabe

On désigne parfois par «guanche» la langue parlée par les anciens habitants des îles. En réalité, cette langue n'était parlée que dans l'île de Tenerife. Il ne subsiste aujourd'hui qu'un certain nombre d'inscriptions gravées sur des rochers et des poteries et attestant cette langue disparue. Il s'agit donc d'une langue morte, puisque les descendants des Guanches ignorent la langue ancestrale. L’existence des inscriptions apparentées au lybico-berbère montre que le guanche utilisait un système d’écriture similaire à celui déjà connu en Afrique du Nord, notamment au berbère. C'est pourquoi on a coutume d'associer le guanche à l'ensemble des variétés berbères. Aujourd'hui, seuls des termes toponymiques témoignent encore de la présence des premiers habitants.

Par ailleurs, plusieurs milliers d'habitants de l'archipel proviennent du Maroc et des autres pays du Maghreb. Ils parlent l'arabe marocain, l'arabe tunisien, l'arabe hassanya de Mauritanie, etc., ou l'une des variétés berbères mais surtout l'amazigh. Les immigrants d'Afrique du Nord sont généralement concentrés dans l'île de La Grande-Canarie et l'île de Tenerife.

2.4 Les langues immigrantes

Bien que plus de 90 % des Canariens soient des ressortissants espagnols, il reste enciron 10 % de la population provenant de nombreux pays d'Europe, d'Asie et d'Amérique. Les immigrants les plus nombreux sont originaires de l'Europe, soit plus de 48 000 personnes (recensement de 2001). Mentionnons, entre autres, l'Allemagne (15 895), le Royaume-Uni (11 690), l'Italie (5545), la France (2885), la Belgique (1859), les Pays-Bas (1440), le Portugal (1404), etc. Le second contingent d'importance vient de l'Amérique du Sud et de l'Amérique centrale, soit plus de 25 000 personnes): Colombie (10 645), Venezuela (6028), Argentine (3684), Équateur (2198), Cuba (5424), etc. Les autres viennent d'Asie avec 6057 personnes: Inde (2609), Chine (1432), Corée (759), etc. Le total des immigrants serait d'environ 100 000 personnes. La plupart de ces immigrants parlent encore leur langue, c'est-à-dire l'allemand, l'anglais, l'italien, le français, le néerlandais, le portugais, etc., sans oublier l'espagnol sud-américain. On comprendra que l'espagnol sert de langue véhiculaire dans l'ensemble des îles Canaries, mais également l'amazigh et l'arabe à La Grande-Canarie et à Tenerife.

2.5 Le silbo

Sur l'île de La Gomera, il existe une curiosité linguistique sous la forme d'une «langue sifflée», le silbo. Il s'agit de l'équivalent sifflé de l'«espagnol local» ou de ''el español canario''. Les Canariens constituent l'une de populations utilisant des formes complémentaires de la langue en ayant recours à des modulations du sifflement à la place de celles des vibrations des cordes vocales. Cette forme de langue, qui conserve la même complexité que toute autre langue en termes de syntaxe et de vocabulaire, permet des communications à plus grande distance que le langage parlé dans les îles Canaries. Cette «langue», qui était en voie de disparition, semble connaître une certaine renaissance avec l'aide d'associations culturelles.

3 Données historiques
Les îles Canaries furent connues par les Carthaginois et par les Phéniciens, sous le nom des îles Fortunées (Fortunatae Insulae). Les Romains les ont ignorées, puis elles furent fréquentées par les Arabes à partir du XIIe siècle. Ces îles étaient habitées par des populations d'origine incertaine, mais probablement berbère: les Guanches.

Le nom de «canari» proviendrait du mot latin canis signifiant «chien», dérivé en Canaria à l'une de ces îles à cause de sa population de chiens très gros. Même les oiseaux ont été nommés canarias, mais les chiens sont disparus, alors que les oiseaux ont survécu.

Puis des marins français ont redécouvert les îles en 1334. De sa propre initiative, le pape Clément VII accorda les Canaries à la Castille en 1344 avant qu'elles ne soient conquises en 1402 par le gentilhomme normand Jean de Béthencourt. Celui-ci devint roi des Canaries tout en acceptant d'être le vassal de Henri III, roi de Castille. Par la suite, l'archipel des Canaries fut constamment disputé entre le Portugal et l'Espagne, avant d'être définitivement rendu à l'Espagne lors du traité d'Alcáçovas de 1479. Le Portugal conservait les Açores et Madère; l'Espagne, les Canaries.

El Tratado de Alcaçovas

Además, los antes citados Rey y Reina de Castilla, Aragón, Sicilia, etc., deseosos y resueltos, con el objetivo de que esta paz sea firme, estable y duradera, prometen de ahora en adelante, que ni ellos directamente, ni por medio de otras personas, pública o secretamente, [...] molestarán, dificultarán o impedirán [...] al citado Rey y Príncipe de Portugal o a los futuros soberanos de Portugal (...) en sus posesiones [...] comerciales, territoriales [...] en Guinea, con sus minas de oro, o en cualquiera otras islas, costas o tierra firme, descubiertas o por descubrir, encontradas o por encontrar, o en las islas de Madeira, Porto Santo y Desierta, o en todas las islas Azores [...] así como en las islas de Cabo Verde, o en todas las islas hasta ahora descubiertas, o en las que sean descubiertas o adquiridas por conquista desde las islas Canarias hacia el sur y Guinea. Todo lo encontrado o que sea encontrado en el futuro, adquirido por conquista o descubierto, pertenece al citado Rey y Príncipe de Portugal [...], con la única excepción de las Islas Canarias [...] las cuales pertenecen al Reino de Castilla.
____________

Fragmentos del Tratado de Alcaçovas firmado por España y Portugal en 1479.
Le traité d'Alcaçovas

En outre, le roi et la reine précédemment cités de Castille, d'Aragon, de Sicile, etc., désireux et résolus, dans le but de que cette paix soit ferme, stable et durable, promettent dorénavant, que ni directement ni par l'intermédiaire d'autres personnes, publiquement ou secrètement, [...] ne gêneront, ne rendront difficile ou priveront [...] ledit roi et le prince du Portugal ou les futurs souverains du Portugal [...] dans leurs possessions [...] commerciales, territoriales [...], en Guinée avec ses mines d'or, ou dans quelque autre isle, côte ou terre ferme, découvertes ou à découvrir, trouvées ou à trouver, dans les isles du Cap-Vert, ou dans les isles Madère, de Porto Santo et Desierta, et toutes les isles jusqu'à présent découvertes, ou toutes les autres isles découvertes ou acquises par conquête depuis les îles Canaries vers le sud et la Guinée. Tout ce qui est trouvé ou qu'il sera trouvé dans le futur, acquis par conquête ou par découverte, appartient audit roi et au prince du Portugal [...], avec la seule exception pour les isles Canaries [...], lesquelles appartiennent au royaume de Castille.
____________

Extrait du traité d'Alcaçovas signé par l'Espagne et le Portugal en 1479.


Mais la conquête espagnole entraîna également la liquidation rapide des différentes populations indigènes; les maladies et les massacres eurent raison de la population; malgré leur résistance aux conquérants, les Guanches disparurent, ainsi que leur langue et leur culture. Il ne reste pratiquement aucun vestige de cette civilisation éteinte.

Lors de la fondation de l'Amérique espagnole, les Canaries devinrent un important relais entre l'Europe et le Nouveau Monde, et subirent de nombreux assauts de la part des Britanniques, des Français et des Hollandais. Évidemment, l'archipel des Canaries devint un lieu de prédilection pour la traite des esclaves et servit de comptoir de négoce pour les négriers faisant la navette entre l'Afrique et l'Amérique. Sous la conduite de l'amiral Robert Blake, les Britanniques réussirent à vaincre les Espagnols à Tenerife, mais ceux-ci résistèrent et, en 1821, les Canaries devinrent une province espagnole. Santa Cruz de Tenerife fut choisie comme capitale.

Le tourisme fit son apparition en 1880, pour prendre davantage d'expansion à partir de 1900. Aujourd'hui, le tourisme demeure l'activité économique principale des îles Canaries, avec plus de huit millions de visiteurs annuels. Ce n'est qu'en 1927 que les Canaries furent partagées en deux provinces (Las Palmas et Santa Cruz de Tenerife), puis elles ont été constituées en Communauté autonome en 1978. En 1985, les Canaries obtinrent un régime spécial au sein de l'Union européenne.

4 La politique linguistique
Les îles Canaries constituent une communauté autonome de langue espagnole, même si la population dans son ensemble parle une variété locale appelée le canarien. D'ailleurs, le Statut d'autonomie de 1982 (Estatuto de Autonomía de Canarias) ou Loi organique du 10 août 1982 ne contient aucune disposition linguistique, parce que ce n'était pas perçu comme nécessaire ni utile. L'article 5 des Statut parle des droits et devoirs sans impliquer de quelque manière que ce soit la langue:

Artículo 5

1) Los ciudadanos de Canarias son titulares de los derechos y deberes fundamentales establecidos en la Constitución.

2) Los poderes públicos canarios, en el marco de sus competencias, asumen como principios rec­tores de su política:

a) La promoción de las condiciones necesa­rias para el libre ejercicio de los derechos y liber­tades de los ciudadanos y la igualdad de los indi­viduos y los grupos en que se integran.
b) La defensa de la identidad y de los valores e intereses del pueblo canario.
c) La consecución del pleno empleo y del desa­rrollo equilibrado entre las Islas.
d) La solidaridad consagrada en el artículo 138 de la Constitución.
e) La defensa y protección de la naturaleza y del medio ambiente.
Article 5
1) Les citoyens des îles Canaries sont titulaires des droits et devoirs fondamentaux prévus dans la Constitution.

2) Les pouvoirs publics canaris, dans le cadre de leurs compétences, assument comme principes directeurs de leur politique :

a) La promotion des conditions nécessaires pour le libre exercice des droits et libertés des citoyens et l'égalité des individus et groupes dans lesquels ils sont intégrés.
b) La défense de l'identité et des valeurs ainsi que les intérêts du peuple canarien.
c) La réalisation du plein emploi et du développement équilibré entre les îles.
d) La solidarité consacrée par l'article 138 de la Constitution.
e) La défense et la protection de la nature et de l'environnement.


Tout au plus, cet article (par. 2.b) mentionne «la défense et l'identité des valeurs ainsi que les intérêts du peuple canarien».

L'article 7 des mêmes statuts ne mentionne pas d'avantage la langue en matière d'immigration au sein de la Communauté autonome:

Artículo 7

Las comunidades canarias estable­cidas fuera del territorio de la Comunidad Autónoma podrán solicitar como tales el reconoci­miento de su personalidad de origen, entendida co­mo el derecho a colaborar y compartir la vida social y cultural de las Islas. Una Ley del Parlamento de Canarias regulará el alcance y contenido del reco­nocimiento mencionado, sin perjuicio de las com­petencias del Estado, así como la especial conside­ración a los descendientes de canarios emigrados que regresen al Archipiélago, que en ningún caso implicará la concesión de derechos políticos.
Article 7
Les communautés canariennes établies hors du territoire de la Communauté autonome pourront solliciter comme tels la reconnaissance de leur personnalité d'origine, y compris le droit de collaborer et de partager la vie sociale et culturelle des îles. Une loi du Parlement des îles Canaries devra réglementer la portée et le contenu de la reconnaissance mentionnée, sans préjudice des compétences de l'État, ainsi que la considération particulière due aux descendants des émigrés canariens qui retournent dans l'Archipel, ce qui, dans aucun cas, n'implique la cession des droits politiques.


Il n'existe aucun document juridique concernant la variété canarienne ou toute autre langue, ni loi ni décret; même le nouveau statut d'autonomie (Nuevo Estatuto de Autonomía) de 2006 n'y fait pas allusion. Ce nouveau Statut a été approuvé par le Parlement des îles Canaries le 13 septembre 2006; il reste à être adopté par les Cortès de Madrid. L'article 9 de ce nouveau Statut précise que l'intégration sociale suppose la non-discrimination et l'égalité des chances, ce qui inclut l'usage des langues qui permettent de communiquer et d'éliminer pleinement les barrières entre les individus. On peut supposer que cette langue qui éliminerait les barrières est l'espagnol:

Artículo 9
Principios rectores de las políticas públicas

Los poderes públicos de la Comunidad Autónoma, en desarrollo de sus competencias, orientarán sus políticas públicas a garantizar y asegurar el ejercicio de los derechos reconocidos en los artículos anteriores, mediante la aplicación efectiva de los siguientes principios rectores:

e) La autonomía y la integración social y profesional de las personas con discapacidad, de acuerdo con los principios de no discriminación, accesibilidad universal e igualdad de oportunidades, incluyendo la utilización de los lenguajes que les permitan la comunicación y la plena eliminación de las barreras.

f) El uso de la lengua de signos española y las condiciones que permitan alcanzar la igualdad de las personas sordas que opten por esta lengua, que será objeto de enseñanza, protección y respeto.
Article 9
Principes directeurs des politiques publiques

Les pouvoirs publics de la Communauté autonome, en fonction de leur juridiction, doivent orienter leurs politiques publiques afin de garantir et d'assurer l'exercice des droits reconnus dans les articles précédents au moyen de l'application effective des principes directeurs suivants :

e) L'autonomie et l'intégration sociale et professionnelle des personnes souffrant d'invalidité, en accord avec les principes de non-discrimination, d'accessibilité universelle et d'égalité des chances, y compris l'usage des langues qui leur permettent de communiquer et d'éliminer pleinement les barrières.

f) L'usage de la langue des signes espagnols et des conditions permettant d'atteindre l'égalité des personnes malentendantes qui choisissent cette langue, laquelle fera l'objet d'enseignement, de protection et de respect.


4.1 La langue de l'État

Aucune loi régionale ne fait une quelconque allusion à la langue utilisée au Parlement local ou dans les tribunaux. Quoi qu'il en soit, seul le castillan est utilisé dans les cours de justice de l'archipel. Les seuls documents écrits et déposés à la cour doivent être rédigés en castillan. Cependant, en raison de l'arrivée des immigrants parlant différentes langues, un service de traduction est prévu lorsqu'il n'y a pas moyen de faire autrement.

En ce qui a trait aux services gouvernementaux du pouvoir central, l'Administration s'en tient aux dispositions constitutionnelles qui déclarent que le castillan est la langue officielle. La même politique est appliquée pour l'Administration autonome. Le canarien, lorsqu'il est utilisé, est réservé à l'oral et aux communications informelles, le castillan aux communications formelles et à l'écrit.

Dans les textes législatifs, le seul article de loi dans lequel il est fait allusion à la langue est l'article 58 de la Loi 2/1987 du 30 mars relative à Fonction publique canarienne (Ley 2/1987, de 30 de marzo, de la Función Pública Canaria). Cet article interdit simplement à tout fonctionnaire de pratiquer une discrimination en matière de langue, de race, de religion, de sexe, d'opinion ou de lieu de naissance:

Artículo 58
Se considerarán como faltas muy graves:

a) El incumplimiento del deber de fidelidad a la Constitución o al Estatuto de Autonomía de Canarias en el ejercicio de la Función Pública.

b) Toda actuación que suponga discriminación por razón de raza, sexo, religión, lengua, opinión, lugar de nacimiento o vecindad o cualquier otra condición o circunstancia personal o social.

c) Abandono del servicio.
Article 58
Seront considérés comme des fautes très graves :

a) Le non-accomplissement du devoir de fidélité à la Constitution ou au Statut d'autonomie des îles Canaries dans l'exercice de la Fonction publique.

b) Toute activité qui suppose une discrimination pour des motifs de race, de sexe, de religion, de langue, d'opinion, de lieu de naissance ou de voisinage ou de toute autre condition ou circonstance personnelle ou sociale.

b) L'abandon du service.


Il est probable que la discrimination en matière de langue concerne davantage l'arabe ou les langues immigrantes que le canarien. La Loi 3/1990 du 22 février relative au patrimoine documentaire et aux archives des îles Canaries (Ley 3/1990 de 22 de febrero, de Patrimonio Documental y Archivos de Canarias) ne mentionne pas davantage de langue particulière. À l'article 1er, le paragraphe 1 précise que «le Patrimoine documentaire canarien fait partie intégrante du Patrimoine documentaire espagnol», ce qui en dit long sur la spécificité canarienne. Quant au paragraphe 2, il énonce que «toute expression en langue orale» est considérée comme un «document»:

Artículo 1
1) El Patrimonio Documental Canario es parte integrante del Patrimonio Documental Español y esta constituido por todos los documentos reunidos o no en archivos, procedentes de las instituciones o personas que se declaren, conforme a las previsiones de esta Ley.

2) Se entiende por documento, en los términos de la presente Ley, toda expresión en lenguaje oral o escrito, natural o codificado recogida en cualquier tipo de soporte material, incluidos los mecánicos o magnéticos.

3) Se entiende por archivos el conjunto orgánico de documentos o la reunión de varios de ellos, completos o fraccionados, producidos, recibidos o reunidos por las personas físicas o jurídicas, públicas o privadas, con fines de gestión administrativa, información o investigación histórica, científica o cultural.

4) Asimismo, se entiende por archivos los centros que institucionalmente recogen, organizan, conservan y sirven para los fines mencionados, los conjuntos orgánicos de documentos.
Article 1
1) Le Patrimoine documentaire canarien fait partie intégrante du Patrimoine documentaire espagnol et il est constitué de tous les documents réunis ou non dans les archives, les institutions ou par les personnes reconnues, conformément aux dispositions prévues dans la présente loi.

2) Sont considérés comme un document, selon les termes de la présente loi, toute expression en langue orale ou tout document, naturel ou codifié recueilli dans tout type de support matériel, y compris les moyens mécaniques ou magnétiques.

3) Sont considérés comme des archives l'ensemble organique de documents ou la réunion de plusieurs d'entre eux, complets ou fractionnés, produits, reçus ou réunis par des personnes physiques ou morales, publiques ou privées, à des fins de gestion administrative, d'information ou de recherche historique, scientifique ou culturelle.

4) De même, sont considérés comme des archives les centres institutionnels reconnus qui organisent, conservent et desservent pour les fins mentionnées tout ensemble organique de documents.


Juridiquement parlant (de jure), le canarien n'existe pas.

4.2 L'éducation

Compte tenu de la législation espagnole en vigueur, les écoles publiques des îles Canaries sont dans l'obligation de dispenser un enseignement en castillan. Il n'existe donc aucune école primaire ou secondaire dispensant un enseignement en canarien. D'après les articles 13 et 14 de la loi espagnole 1/1990 du 3 octobre relative à l'éducation, il apparaît clairement que toutes les écoles primaires publiques doivent enseigner «la langue castillane» et, selon le cas, «la langue officielle propre de la Communauté autonome»:

Artículo 13

La educación primaria contribuirá a desarrollar en los niños las siguientes capacidades:
a) Utilizar de manera apropiada la lengua castellana y la lengua oficial propia de la Comunidad Autónoma.

b) Comprender y expresar mensajes sencillos en una lengua extranjera.

Artículo 14

1) La educación primaria comprenderá tres ciclos de dos cursos académicos cada uno y se organizará en áreas que serán obligatorias y tendrán un carácter global e integrador.

2) Las áreas de este nivel educativo serán las siguientes:

a) Conocimiento del medio natural, social y cultural.
b) Educación Artística.
c) Educación Física.
d) Lengua castellana, lengua oficial propia de la correspondiente Comunidad Autónoma y Literatura.
e) Lenguas extranjeras.
Article 13

L'éducation primaire contribuera à développer chez les enfants les capacités suivantes :
a) Utiliser de manière appropriée la langue castillane et la langue officielle propre de la Communauté autonome.

b) Comprendre et exprimer des messages simples dans une langue étrangère.

Article 14

1) L'éducation primaire comprendra trois cycles de deux cours académiques chacun et il sera organisé dans des unités qui seront obligatoires et auront un caractère global et intégrateur.

2) Les unités de ce niveau éducatif seront les suivants :

a) La connaissance de l'environnement naturel, social et culturel.
b) L'éducation artistique.
c) L'éducation physique.
d) La langue castillane, la langue officielle propre de la Communauté autonome correspondante et la littérature.
e) Les langues étrangères.


Mais la loi no 1/1990 a été remplacée par la Loi organique 2/2006 du 3 mai sur l'éducation (Ley Orgánica 2/2006, de 3 de mayo, de Educación). Dorénavant, il faut tenir compte de l'article 17 pour l'enseignement primaire:

Artículo 17.
Objetivos de la educación primaria.

La educación primaria contribuirá a desarrollar en los niños y niñas las capacidades que les permitan:

e. Conocer y utilizar de manera apropiada la lengua castellana y, si la hubiere, la lengua cooficial de la Comunidad Autónoma y desarrollar hábitos de lectura.

f. Adquirir en, al menos, una lengua extranjera la competencia comunicativa básica que les permita expresar y comprender mensajes sencillos y desenvolverse en situaciones cotidianas.
Article 17

Objectifs de l'éducation primaire

L'éducation primaire doit contribue à développer chez les files et les garçons des habiletés qui leur permettent :

e. De connaître et d'utiliser de manière appropriée la langue castillane et, s'il y a lieu, la langue co-officielle de la Communauté autonome et de développer des habitudes de lecture.

f. D'acquérir dans au moins une langue étrangère les compétences de base en communication, qui leur permettent d'exprimer et de comprendre des messages simples et de fonctionner dans des situations quotidiennes.


Quant à l'enseignement secondaire, c'est l'article 23:

Artículo 23.
Objetivos.

La educación secundaria obligatoria contribuirá a desarrollar en los alumnos y las alumnas las capacidades que les permitan:

h. Comprender y expresar con corrección, oralmente y por escrito, en la lengua castellana y, si la hubiere, en la lengua cooficial de la Comunidad Autónoma, textos y mensajes complejos, e iniciarse en e conocimiento, la lectura y el estudio de la literatura.

i. Comprender y expresarse en una o más lenguas extranjeras de manera apropiada.
Article 23
Objectifs

L'éducation secondaire obligatoire doit contribuer à développer chez les élèves les habiletés qui leur permettent :

h. De comprendre et d'exprimer correctement, à l'oral et à l'écrit, dans la langue castillane et, s'il y a lieu, dans la langue co-officielle de la Communauté autonome, des textes et des messages complexes, et débuter leurs connaissances par la lecture et l'étude de la littérature.

i. De comprendre et de s'exprimer dans une ou plusieurs langues étrangères de manière appropriée.


Mais la Communauté autonome des îles Canaries n'a pas de «langue co-officielle», puisque la seule langue officielle est le castillan. De plus, dans toutes les écoles canariennes, on n'enseigne que la langue et l'histoire de la Castille, en ignorant généralement l'histoire et la culture spécifiques des îles Canaries. Le Décret 46/1993 du 26 mars approuvant le programme d'études de l'enseignement primaire (Decreto 46/1993, de 26 de marzo, por el que se establece el currículo de la Educación Primaria) ne mentionne d'ailleurs aucune contrainte particulière en ce qui concerne la langue. En effet, l'article 6 du décret 46/1993 reprend simplement les dispositions de la loi nationale espagnole:

Artículo 6.
1) Las áreas de la Educación Primaria serán las que se relacionan a continuación, de acuerdo con lo establecido en el artículo 14 de la Ley Orgánica 1/1990, de 3 de octubre:

a) Conocimiento del medio natural, social y cultural.
b) Educación Artística.
c) Educación Física.
d) Lengua Castellana y Literatura.
e) Lenguas Extranjeras.
f) Matemáticas.

[...]
Article 6
1) Les disciplines de l'enseignement primaire seront celles qui sont en relation de continuité et en conformité avec les les dispositions de l'article 14 de la Loi organique 1/1990 du 3 octobre :

a) Connaissance du milieu naturel, social et culturel.
b) Éducation Artistique.
c) Éducation physique.
d) Langue et littérature castillane.
e) Langues étrangères.
f) Mathématiques.

[...]


Le décret est en effet en tous points conforme à l'article 14 de la loi espagnole 1/1990. Dans les écoles secondaires, le décret 129/1998 de 6 août approuvant le règlement organique des établissements d'enseignement secondaire (Decreto 129/1998, de 6 de agosto, por el que se aprueba el Reglamento Orgánico de los Institutos de Educación Secundaria) autorise la création de «départements didactiques»:

Artículo 53
Departamentos didácticos. Competencias.

1) En los institutos de educación secundaria se podrán constituir los siguientes departamentos didácticos: alemán, artes plásticas, ciencias naturales, educación física y deportiva, filosofía, física y química, francés, geografía e historia, griego, inglés, latín, lengua castellana y literatura, matemáticas, música, tecnología, religión y formación y orientación laboral.

[...]
Article 53
Départements didactiques. Compétences.

1) Dans les établissements d'enseignement secondaire, il est possible d'instituer les départements didactiques suivants : allemand, arts plastiques, sciences naturelles, éducation physique et sportive, philosophie, physique et chimie, français, géographie et histoire, grec, anglais, latin, langue et littérature castillanes, mathématiques, musique, technologie, religion et formation ainsi que orientation au travail.

[...]


Cela signifie que l'enseignement des langues étrangères concerne le français, l'anglais, l'allemand, le latin et le grec.

On trouve des précisions relatives à l'identité canarienne dans la Loi 13/2003 du 4 avril relative à l'éducation et la formation permanente des adultes des Canaries (Ley 13/2003, de 4 de abril, de Educación y Formación Permanente de Personas Adultas de Canarias). L'article 8 mentionne cet aspect de l'enseignement pour les adultes et en fait même une question de priorité:

Artículo 8
De la identidad canaria

1) En el marco de un mundo multicultural y de un estado autonómico, la cultura y la identidad de la nacionalidad canaria, por su alcance y dimensión, se tendrán en cuenta en el desarrollo y aplicación de la presente Ley.

2) Tendrán la consideración de actuaciones prioritarias en este campo las conducentes a promover la preservación y evolución de la identidad cultural canaria.

3) Las administraciones públicas canarias promoverán que las entidades y los centros dedicados a actividades educativas para personas adultas desarrollen iniciativas y enseñanzas relacionadas con la identidad cultural, económica y social de Canarias.

[...]
Article 8
De l'identité canarienne

1) Dans le cadre d'un monde multiculturel et d'un État autonome, la culture et l'identité de la nationalité canarienne, en raison de sa portée et de sa dimension, doivent être tenue en compte dans le développement et l'application de la présente loi.

2) Tout ce qui sert à promouvoir la préservation et l'évolution de l'identité culturelle canarienne sera considéré comme des activités prioritaires dans ce domaine.

3) L'Administration publique canarienne doit promouvoir les organismes et les centres consacrés à des activités éducatives pour les adultes, qui développent des initiatives et des enseignements en rapport avec l'identité culturelle, économique et sociale des îles Canaries.

[...]


L'article 9 de la même loi précise clairement que la langue d'enseignement est le castillan (par. 2), tout en tenant compte des particularités de la culture canarie:

Artículo 9

De la igualdad

1) Las administraciones públicas canarias pro­moverán la igualdad de oportunidades en el acceso a las actividades educativas y formativas, especialmente las encaminadas a superar las condiciones de lejanía e insularidad y garantizar la promoción, la integración e inserción laboral y social de las personas con necesidades educativas especiales de los colectivos en situación de desigualdad, discriminación, exclusión o marginación social y laboral.

2) Se priorizarán programas que faciliten la in­tegración de inmigrantes, en especial en lo refe­rente al aprendizaje de la lengua castellana y el conocimiento de los elementos básicos de nuestra cultura.

3) Se considerarán igualmente prioritarios los programas que promuevan la participación socio­cultural, la educación intercultural y la superación de todo tipo de discriminaciones.
Article 9

De l'égalité

1) L'Administration publique canarienne doit promouvoir l'égalité des conditions d'accès aux activités en éducation et en formation, spécialement celles destinées à résoudre les difficultés reliées à la distance et à l'insularité, et à garantir la promotion, l'intégration et l'insertion sociale au travail à l'égard des personnes ayant des besoins éducatifs particuliers, et des groupes en situation d'inégalité, de discrimination, d'exclusion ou de marginalisation sociale et au travail.

2) Il est accordé la priorité aux programmes qui facilitent l'intégration des immigrants, spécialement en ce qui concerne l'apprentissage du castillan et de la connaissance des éléments de base de notre culture.

3) Seront considérés comme également prioritaires les programmes qui servent la promotion de la participation socioculturelle, de l'éducation interculturelle et la résolution de tout type de discriminations.


Cependant, les particularismes culturels dont il est question ne semblent pas passer par la langue locale, mais uniquement par le castillan.

Bref, comme en Andalousie, il existe une diglossie généralisée chez ceux qui parlent le canarien comme langue maternelle. Cette diglossie est du type appelé «orthographique» ("ortográfico"), c'est-à-dire que la population s'exprime dans une langue (canarien), alors qu'elle reçoit son instruction et écrit dans une autre (castillan). Cette situation provoque quantité de problèmes linguistiques en compliquant le processus d'apprentissage scolaire, ce qui entraîne une qualité inférieure en éducation, crée un fort complexe d'infériorité et fait qu'un grand nombre d'élèves canariens terminent avec un maîtrise souvent insatisfaisante de l'écriture espagnole.

4.3 Les médias et la publicité

Les Canaries font partie de l'Espagne. En conséquence, c'est un archipel massivement hispanophone. Les affiches commerciales sont quasi exclusivement en espagnol (castillan), hormis de rarissimes exceptions pour certains types de commerces. La photo de gauche a été prise dans une rue commerciale de Santa Cruz de Tenerife. Évidemment, toutes les affiches relevant de la Communauté autonome sont en castillan, de même que les noms des rues et autres toponymes.




Tous les quotidiens et la plupart des magazines publiés dans l'archipel des Canaries sont en castillan, à l'exception de certains journaux internationaux (US Today, The Boston Globe, Chicago-Sun-Times, Le Monde, La Tribune, etc.). Les principaux jopurnaux canariens sont les suivants: Canarias 7, La Provincia, Indice Siete, Diario El Progreso, La Gazeta de Canarias, Ultima Hora, Tribuna, La Voz de Gran Canaria, etc. Évidemment, l'archipel bénéficie de l'apport des journaux nationaux de l'Espagne tels que El Pais, El Mundo, La Vanguadia, etc.


La radio et la télévision nationale (Televisión Española) ne diffusent qu'en castillan, de même que les stations locales. La Loi 8/1984 du 11 décembre sur la radiodiffusion et la télévision dans la Communauté autonome des îles Canaries (Ley 8/1984, de 11 de diciembre, de Radiodifusión y Televisión en la Comunidad Autónoma de Canarias) ne contient aucune disposition en matière de langue:


Artículo 2
La presente Ley se interpretará y aplicará con arreglo a los criterios de respeto, promoción y defensa de la libertad, la justicia, la igualdad, el pluralismo político y demás valores del ordenamiento constitucional y estatutario.
Article 2
La présente loi doit être interprétée et appliquée en conformité avec les critères de respect, de promotion et de défense de la liberté, de la justice, de l'égalité, du pluralisme politique et des autres valeurs de l'ordre constitutionnel et statutaire.


Toutes les stations émettrices espagnoles sont représentées aux Canaries: SER, Onda Cero, Punto Radio, Radio Nacional de España y COPER. Il existe aussi de nombreuses radios locales, dont Radio San Borondón (du Centro de la Cultura Popular Canaria) et la Radio Taoro à Tenerife; la Radio Guiniguada à Las Palmas et la Radio Sol, la Radio Archipiélago à Puerto Cabras, etc.

4.4 La protection des variétés linguistiques canariennes

Paradoxalement, c'est l'État espagnol qui semble protéger le canarien ou «l'espagnol canarien» (''español canario''), non le gouvernement autonome des Canaries. Cette langue a fait l'objet d'un projet de recherche sous le nom de Proyecto de Investigación Lingüística: Estudio Global (fónico, gramatical y léxico) del español de Canarias, financé par la Direction générale de recherche scientifique et technique de l'Espagne (''Dirección General de Investigación Científica y Técnica de España''). Le résultat de la recherche constitue notamment en un dictionnaire des canarismes (Diccionario de canarismos) publié en 1995. L'importance du Dictionnaire des canarismes provient du fait qu'il ne se réfère pas seulement une île ou une localité particulière, mais à la totalité des îles canariennes. Évidemment, il s'agit ici d'une intervention sur le code, non sur le statut.

Certains politiciens ont réclamé de Madrid la création de l'Academia Canaria de la Lengua (''Académie canarienne de la langue'') à l’exemple de la Real Academia Española (''Académie royale espagnole''), afin de conserver et de développer la spécificité culturelle des îles. Finalement, cette fameuse académie a été créée en 2004. Les statuts de l'Académie canarienne de la langue permettent d'en savoir davantage sur une éventuelle politique linguistique. L'article 2 nous apprend que l'Académie canarienne de la langue est une institution non lucrative poursuivant des fins exclusivement scientifiques, d'information et de consultation. Pour la première fois, dans un texte officiel, on peut lire que «la ''canariennité'' est un fait linguistique et culturel défini et expliqué comme hispanique»:

Artículo 2.

La Fundación Canaria de la Academia Canaria de la Lengua (en adelante, la Fundación) es una institución no lucrativa, con fines exclusivamente científicos, divulgativos y consultivos, que somete su actuación a los principios institucionales siguientes:
a) Reconocer y respetar la libertad idiomática e intelectual de las personas, evitando cualquier actitud excluyente;

b) Rechazar y condenar todo dogmatismo lingüístico o intelectual, pues no existe ninguna modalidad idiomática superior o inferior a las demás.

c) Reconocer que la Canariedad es un hecho lingüístico y cultural que se define y se explica como hispánico, por lo que proclama como propias tanto la rica variedad de la lengua que nos une, como la de sus literaturas, y se compromete a estimular y difundir el conocimiento de unas y otras.
Article 2

La Fondation canarienne de l'Académie canarienne de la langue (désormais «la Fondation») est une institution non lucrative poursuivant des fins exclusivement scientifiques, d'information et de consultation, qui soumet ses activités en vertu des principes institutionnels suivants :
a) Reconnaître et respecter la liberté idiomatique et intellectuelle des personnes, en évitant toute attitude d'exclusion;

b) Rejeter et condamner tout dogmatisme linguistique ou intellectuel, parce qu'il n'existe aucune variété idiomatique supérieure ou inférieure aux autres.

c) Reconnaître que la «canariennité» est un fait linguistique et culturel défini et expliqué comme hispanique, pour lequel il est proclamé comme propre tant pour la variété riche de la langue qui nous unit que pour celle de ses littératures, et que la Fondation s'engage à stimuler et à en diffuser la connaissance parmi tous.


On peut supposer que cette «Canariedad» (''canariennité'') concerne l'espagnol canarien, tout autant que le guanche, le silbo, voire l'amazigh ou l'arabe, mais il faut considérer que le fait linguistique canarien est défini comme «hispanique», ce qui exclurait le guanche (au grand dam de ses défenseurs), l'amazigh, l'arabe et toutes les langues immigrantes.

Cependant, l'article 3 des statuts de l'Académie canarienne de la langue prévoit au paragraphe b) «l'étude scientifique de toutes les variétés linguistiques canariennes»:

Artículo 3

La Fundación Canaria tendrá los siguientes objetivos:

a) Será responsabilidad fundamental y básica de la Fundación elaborar una Gramática de la Lengua y un Diccionario, ambos de ámbito universal, destinados al uso de los canarios. El conocimiento de la lengua propia nunca estará terminado sin el concurso de toda su variedad histórica, tanto en el dominio de la Gramática, como en el del Léxico.

b) Fomentar y estimular el estudio científico de todas las modalidades lingüísticas canarias, tanto en lo que respecta a su estado actual, como en lo relativo a su historia.

c) Fomentar y estimular el estudio científico de la literatura canaria, oral y escrita, tanto en lo que respecta a su estado actual, como en lo relativo a su historia.

d) Divulgar, mediante publicaciones autorizadas, los resultados de las investigaciones a que se refieren los párrafos anteriores.

e) Resolver cuantas consultas lingüísticas se le hagan.

f) Aconsejar en todo lo que atañe a la enseñanza del español en el Archipiélago, así como organizar o propiciar Cursos destinados no sólo a los Profesores, sino también al público en general.

g) Colaborar con las Entidades Educativas y Científicas tanto en lo que atañe a la enseñanza de la lengua materna, como en lo que se refiere a su uso en los diversos ámbitos de la vida y del conocimiento.

h) Fomentar la colaboración científica e institucional con el resto de las Academias de la Lengua del dominio lingüístico hispánico y, en particular, con las americanas.

i) Estimular el desarrollo de las perspectivas culturales de los canarios, mediante el estudio y la difusión de lo esencial de las literaturas de nuestra lengua -tanto escritas como orales-, no sólo en el ámbito canario, sino también en el nacional y en internacional. En este sentido, la Fundación creará una Biblioteca Básica en la que figurarán todas las obras literarias que debe conocer cualquier hispanohablante culto. Article 3

La Fondation canarienne a les objectifs suivants :

a) La Fondation a la responsabilité fondamentale et essentielle d'élaborer une grammaire de la langue et un dictionnaire, tous les deux de niveau universel, destinés à l'usage des Canariens. La connaissance de la langue propre ne sera jamais réalisée sans le concours de toute ses variétés historiques, tant dans le domaine de la grammaire que dans celui du lexique.

b) Favoriser et stimuler l'étude scientifique de toutes les variétés linguistiques canariennes, tant en ce qui concerne son état actuel que son histoire.

c) Favoriser et stimuler l'étude scientifique de la littérature canarienne, orale et écrite, tant en ce qui concerne son état actuel que son son histoire.

d) Divulguer, au moyen de publications autorisées, les résultats des recherches auxquelles réfèrent les paragraphes précédents.

e) Résoudre autant de consultations linguistiques qu'il soit possible de faire.

f) Conseiller dans tout ce qui concerne l'enseignement de l'espagnol dans l'archipel, et organiser ou rendre propices des cours destinés non seulement aux professeurs, mais aussi au public en général.

g) Collaborer avec les organismes éducatifs et scientifiques tant en ce qui concerne l'enseignement de la langue maternelle qu'en ce qui concerne son usage dans les divers domaines de la vie et de la connaissance.

h) Favoriser la collaboration scientifique et institutionnelle avec le reste des Académies de la langue dans le monde linguistique hispanique et, en particulier, avec les Amériques.

i) Stimuler le développement des perspectives culturelles des Canariens, par l'étude et la diffusion de l'essentiel des littératures de notre langue - tant écrites qu'orales -, non seulement dans le cadre canarien, mais aussi au plan national et international. En ce sens, la Fondation créera une bibliothèque fondamentale dans laquelle figureront toutes les oeuvres littéraires que doit connaître tout hispanophone cultivé.

En même temps, le paragraphe f) ne mentionne que «l'enseignement de l'espagnol dans l'archipel», alors que le paragraphe g) parle de façon ambiguë de «l'enseignement de la langue maternelle» (laquelle?). De plus, le paragraphe h) précise bien qu'il convient de «favoriser la collaboration scientifique et institutionnelle avec le reste des Académies de la langue dans le monde linguistique hispanique et, en particulier, avec les Amériques». Cela signifierait que l'Académie canarienne de la langue compte effectuer des travaux de recherche relatifs à toutes les «variétés linguistiques canariennes» et appliquer une politique de l'enseignement de la langue espagnole dans les écoles et établissements publics des îles Canaries.

Bref, les statuts de l'Académie canarienne de la langue ne mentionnent guère la dimension culturelle guanche et l’avenir de celle-ci dans l'archipel. Tout au plus peut-on croire que les «variétés linguistiques canariennes» (''las modalidades lingüísticas canarias'') doivent correspondre à des variantes très proches de la langue castillane.

Au contraire, l’intérêt manifesté aux langues et civilisations étrangères, telles que l'anglais, l'arabe, l'allemand, etc., semblent beaucoup plus préoccuper les autorités canariennes. On peut même affirmer que l'héritage linguistique spécifiquement canarien ne bénéficie d’aucune protection particulière de la part des institutions canariennes.



Du point de vue de la politique linguistique, le gouvernement des Canaries n'a jamais fait d'efforts pour même tenter de valoriser la variété canarienne. Il est probable que personne parmi les autorités n'a pensé à une quelconque reconnaissance du canarien. Il n'existe pas davantage de programmes permettant une attribution de prix dans l'emploi de la variété linguistique canarienne. Il n'existe pas non plus Cela signifie que le canarien ne bénéficie d'aucun prestige. Pour ce faire, il faudrait réussir à changer les mentalités des insulaires, ce qui n'est pas une mince tâche.

En somme, la politique linguistique de la Communauté des îles Canaries correspond à une politique de non-intervention tant à l'égard du castillan que du canarien. Il n'en demeure pas moins que les autorités canariennes tiennent à maintenir la «culture canarienne», même si celle-ci ne passe pas par la langue. Quoi qu'il en soit, le canarien n'est pas considéré comme une «langue», mais seulement une «modalidad lingüística», c'est-à-dire une «variété linguistique» qu'il n'apparaît pas nécessaire de protéger.



Dernière mise à jour: 14 avr. 2009

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samedi 20 juin 2009

akli d (le kabyle montal


amazigh
AKLI D. (Kabyle Mental)
« MA YELA »
BIOGRAPHIE

Itinéraire d’un Kabyle mental




Aussi loin qu’il s’en souvient, « AKLI D. », né dans un petit village de Kabylie en Algérie, a grandi en musique. Très jeune, il est bercé par les mélodies de sa mère, interprète de chants spirituels traditionnels, et entouré d’une famille de musiciens. C’est en Kabylie, dans son village natal qu’il participe pour la première fois, à l’âge de 13 ans, à un concert de lycée, à partir de là il décide de ne plus quitter sa guitare, elle sera son passeport pour les voyages et les rencontres qui jalonneront son itinéraire de « troubadour des temps modernes ».
Il écoute les grands noms de la chanson kabyle comme Idir, Cheikh El Hasnaoui et Slimane Azem, mais une autre oreille est restée attentive aux « protest-songs » de Bob Dylan ou Neil Young, au rock déjanté de Jacques Higelin, au mouvement rasta, au blues du Mississipi et autres échos du m’balax.

Arrivé en France au début des années 80, Akli D. fuit alors une Algérie amère réprimant les velléités identitaires de la Kabylie. « Le printemps berbère», marqué par la répression armée cause des dizaines de morts et des centaines de prisonniers politiques.
Akli, acteur témoin des événements doit prendre le chemin de l’exil. Il débarque, par un beau matin d’été, à Paris, avec peu de sous en poche et quelques adresses de compatriotes. Il est sans grandes illusions et conscient des difficultés qui l’attendent, mais il compte bien enrichir ses connaissances par des rencontres de qualité. Alors qu’il se balade à Beaubourg, il emprunte le banjo d’un musicien de rue et s’essaie à cet art. Ainsi commence la longue aventure des places publiques et des couloirs du métro parisien. Il s’essaiera progressivement aux musiques de tous horizons : le blues, le rock, le reggae, le folk … qui viendront plus tard alimenter ses compositions.

Chaque franc gagné nourrit un rêve, le cinéma ! Passionné du 7ème art, Il fait escale au Café de la Gare à Paris avec la formation « Actor Studio ». avant de s’envoler, avec l’aide d’une mécène américaine déposée devant lui par le « mektoub » (le destin), aux Etats-Unis. C’est à San Francisco, ville de toutes les audaces créatrices, qu’il atterrit et c’est là, notamment, au café INTERNATIONALE, qu’il étonne le public par des mélodies jusque-là inconnues outre Atlantique. Une expérience irlandaise, tout aussi passionnante et plus familière sur le plan musical, succèdera à l’aventure américaine…
De retour à Paris, la tête encore pleine de trésors artistiques, il accompagne deux charmantes chanteuses versant dans le blues chaâbi-saharien, au sein du combo « El Djazira », puis fonde sa première formation, pertinemment nommée « Les Rebeuhs des Bois ». Cela lui permet de tourner dans plusieurs lieux underground de Paris et d’ailleurs. Il navigue alors entre « La guinguette Pirate », le café « La Liberté » ou « Le Lou Pascalou », situés dans des quartiers où l’on brasse autant de styles et de mélanges que de bières

mercredi 17 juin 2009

amazighAmazigh Kateb, arrivé en France en 1988, est la figure principale du groupe grenoblois Gnawa Diffusion (groupe né en 1992) et fils du célèbre écrivain Kateb Yacine, fondateur de la littérature algérienne moderne (Nedjma, Le cercle des représailles…).




Les Gnaouas ou Gnawas sont, uniquement pour une partie d'entre eux, des descendants d'anciens esclaves issus de populations d'origine d'Afrique noire (Sénégal, Soudan, Ghana...). Le terme Gnawa identifie spécifiquement des Marocains,en algérie le terme utilisé est Diwane.



La musique Gnawa ( mot qui vient de « Guinéen ») est une musique noire africaine qui a été exportée vers le Maghreb (essentiellement vers le centre du sahara et le Maroc) où elle a été malaxée avec les rythmes locaux d'influence arabe ou turque. Amazigh revendique d’ailleurs l’africanité et le mélange de cultures de l’Algérie qui n'est ni blanche ni noire.



mardi 16 juin 2009


amazighTaos, fille de Fadhma Aït Mansour Amrouche et sœur de Jean-El Mouhoub Amrouche, est la première femme algérienne romancière, avec Jacinthe noire, publié en 1947. Son œuvre littéraire, écrite dans un style très vif, est largement inspirée de la culture orale dont elle est imprégnée, et de son expérience de femme. En signe de reconnaissance envers sa mère, Marguerite-Fadhma Aït Mansour, qui lui a légué tant de chansons, contes et éléments du patrimoine oral, elle signe Marguerite-Taos le recueil Le Grain magique, en joignant à son prénom celui de la mère.
Parallèlement à sa carrière littéraire, elle interprète de très nombreux chants amazigh, qu'elle tient de sa mère. Ces textes sont par ailleurs traduits par son frère Jean Amrouche. Douée d'une voix exceptionnelle, elle se produit dans de nombreuses scènes, comme au Festival des Arts Nègres de Dakar en 1966. Seule l'Algérie lui refuse les honneurs : elle n'est pas invitée au Festival culturel panafricain d'Alger en 1969. Elle s'y rend tout de même pour chanter devant les étudiants d'Alger.
Taos Amrouche a œuvré pour la culture amazigh : elle participe à la fondation de l'Académie berbère à Paris en 1966.

Œuvres [modifier]

Œuvres littéraires [modifier]
Jacinthe noire, roman, 1947.
Le Grain magique, recueil de contes et de poèmes, 1966.
Rue des tambourins, roman, 1969.
L'Amant imaginaire, roman autobiographique, 1975.
Solitude ma mère, roman posthume, 1995.

Discographie [modifier]
Chants berbères de Kabylie, 1967, Grand prix du disque.
Chants de processions, méditations et danses sacrées berbères, 1967.
Chants de l'Atlas, 1971.
Chants espagnols archaïques de la Alberca, 1972.
Incantations, méditations et danses sacrées berbères, 1974.
Chants berbères de la meule et du berceau, 1975.

Liens externes [modifier]
[1] Site dédié a son frère Jean Amrouche.
[2] Site Internet du village natal de Taos Amrouche.

amazighConvertie au christianisme, la famille de Jean Amrouche s'installe à Tunis. Après de brillantes études secondaires, Jean Amrouche entre à l'École normale de Saint-Cloud. Il est ensuite professeur de Lettres dans les lycées de Sousse, Bône et Tunis, où il se lie avec le poète Armand Guibert, et publie ses premiers poèmes en 1934 et 1937. Pendant la Seconde Guerre, il rencontre André Gide à Tunis, et rejoint les milieux gaullistes à Alger.
Jean Amrouche est, de février 1944 à février 1945, à Alger, puis de 1945 à juin 1947 à Paris, le directeur de la revue L'Arche, éditée par Edmond Charlot, qui publie les grands noms de la littérature française (Antonin Artaud, Maurice Blanchot, Henri Bosco, Joë Bousquet, Roger Caillois, Albert Camus, René Char, Jean Cocteau, André Gide, Julien Green, Pierre Jean Jouve, Jean Lescure, Henri Michaux, Jean Paulhan, Francis Ponge …).
Jean Amrouche réalise simultanément de très nombreuses émissions littéraires, sur Tunis-R.T.T. (1938-1939), Radio France Alger (1943-1944), et surtout Radio France Paris (1944-1958), dans lesquelles il invite philosophes (Gaston Bachelard, Roland Barthes, Maurice Merleau-Ponty, Edgar Morin, Jean Starobinski, Jean Wahl), poètes ou romanciers (Claude Aveline, Georges-Emmanuel Clancier, Pierre Emmanuel, Max-Pol Fouchet, Jean Lescure, Kateb Yacine) et peintres (Charles Lapicque).
Il est l'inventeur d'un genre radiophonique nouveau dans la série de ses entretiens, notamment ses 34 Entretiens avec André Gide(1949), 42 Entretiens avec Paul Claudel (1951), 40 Entretiens avec François Mauriac (1952-1953), 12 Entretiens avec Giuseppe Ungaretti(1955-1956).
Après avoir été mis à la porte de Radio France par le Premier ministre de l'époque, alors qu'il sert d'intermédiaire entre les instances du Front de libération nationale algérien et le général de Gaulle dont il est un interlocuteur privilégié, Jean Amrouche ne cesse à la radio suisse, Lausanne et Genève, de plaider de 1958 à 1961 la cause algérienne. Il meurt d'un cancer quelques semaines après l'accord du cessez-le-feu.
Jean Amrouche a tenu de 1928 à 1961 un journal qui demeure inédit.
Une part de son œuvre encore non publiée se découvre progressivement, révélant un poète de portée universelle. En exprimant en français les Chants berbères de Kabylie, il en fait un trésor de la poésie universelle.

Jugements [modifier]
"L'œuvre poétique de Jean Amrouche ne vaut pas par son abondance : elle s'arrête pratiquement en 1937 alors que le poète vivra jusqu'en 1962. La majeure partie de sa vie est consacrée au déchiffrement du monde et à la recherche du territoire natal (Chants berbères de Kabylie, 1939), au questionnement du travail intellectuel (ses entretiens avec J. Giono, F. Mauriac, P. Claudel, A. Gide, G. Ungaretti) et au combat politique (ses interventions dans la presse écrite et à la radio). (…) La figure de l'Absent, au départ imprécise et mystérieuse, s'impose peu à peu et resplendit dans sa pureté et sa grandeur. Elle devient présence obsessionnelle. Mais elle n'est pas l'unique. (…) Présence douloureuse de l'enfance et de l'espace natal doublement perdu (par la distance et par la foi) - qu'on se rappelle dans Cendres ce poème sur la mort dédié aux tombes ancestrales qui ne m'abriteront pas, présence du corps jubilant et des fruits terrestres apaisants. (…) L'inspiration de Jean Amrouche est avant tout mystique, d'un mysticisme qui transcende la religion pour créer ses religions propres : celle de l'amour éperdu, celle de la contemplation cosmique, celle de l'harmonie des éléments. S'éloignant de l'ascétisme religieux, le verbe de Jean Amrouche éclate en des poèmes opulents, gorgés de ciels, de sèves, d'orages, de fruits et de femmes."
Tahar Djaout, Amrouche, Etoile secrète ,L'enfance de l'homme et du monde, dans Algérie Actualité n° 921, Alger, 9-15 juin 1983, p. 21
« Les enregistrements des entretiens de ce véritable créateur du genre qu'est Amrouche avec Gide, puis avec Claudel, Mauriac, Ungaretti sont des œuvres dont l'histoire de la littérature ne se passera qu'avec dommage, et dont la perte serait aussi grave que celle du manuscrit des Caves du Vatican, de Protée, de Génitrix, ou de l'Allegria. (…) Ce qui est bouleversant ici et à jamais digne de l'attention des hommes, ce sont précisément les voix humaines, en leur origine même, à ce point où elles ne sont pas encore distinctes des mots qu'elles prononcent. Ce sont les soupirs traqués de Gide devant l'impitoyable question que lui inflige Amrouche, ce sont les roulements massifs de Claudel, les essoufflements torturés d'Ungaretti, les murmures difficiles de Mauriac. Et neuf fois sur dix Amrouche trouve la question qui contraint son interlocuteur à faire aveu de lui-même, et à renoncer à se protéger du masque que l'existence mondaine a autorisé sa voix à se former. »
Jean Lescure, Radio et Littérature, dans Histoire des littératures, tome 3, sous la direction de Raymond Queneau, Encyclopédie de la Pléiade, Paris, Gallimard, 1963, p. 1711

Citations [modifier]
« La France est l'ame de mon esprit, et l'Algérie l'esprit de mon âme.»
« L'homme ne peut vivre s'il ne s'accepte tel qu'il est,s'il ne se sent pas accepté par la société ou il vit, s'il ne peut avouer son nom. »

Bibliographie sélective [modifier]

Poésie [modifier]
Cendres, poèmes (1928-1934). 1re édition, Tunis, Mirages, 1934. 2e édition, Paris, L'Harmattan, présentation de Ammar Hamdani, 1983
Étoile secrète. 1re édition, Tunis, "Cahiers de barbarie", 1937. 2e édition, Paris, L'Harmatan, présentation de Ammar Hamdani, 1983
Chants berbères de Kabylie. 1re édition, Tunis, Monomotapa, 1939. 2e édition, Paris, collection "Poésie et théâtre", dirigée par Albert Camus, Editions Edmond Charlot, 1947. 3e édition, Paris, L'Harmattan, préface de Henry Bauchau, 1986. 4e édition (édition bilingue), Paris, L'Harmattan, préface de Mouloud Mammeri, textes réunis, transcrits et annotés par Tassadit Yacine, 1989
Tunisie de la grâce, gravures de Charles Meystre, impression et typographie de Henri Chabloz à Rénens (Suisse), tirage limité, 1960. Republié dans la revue Études méditerranéennes, n° 9, Paris, mai 1961
Les poèmes Ébauche d'un chant de guerre (à la mémoire de Larbi Ben M'hidi, mort en prison le 4 mars 1957) et Le combat algérien (écrit en juin 1958), publiés en revues, ont été repris dans Espoir et Parole, poèmes algériens recueillis par Denise Barrat, Paris, Pierre Seghers éditeur, 1963

Essai [modifier]
L'éternel Jugurtha, dans L'Arche, n°13, Paris, 1946

Entretiens [modifier]
Giuseppe Ungaretti / Jean Amrouche, Propos improvisés (texte mis au point par Philippe Jaccottet, Paris, Gallimard, 1972
Entretiens avec Paul Claudel, 10 cassettes, Editions du Rocher, 1986
Extraits des Entretiens Gide / Amrouche in Eric Marty, André Gide, qui êtes-vous?, Lyon, La Manufacture, 1987
Jean Giono, Entretiens avec Jean Amrouche et Taos Amrouche, Paris, Gallimard, 1990
Pierre-Marie Héron, Les écrivains à la radio: les entretiens de Jean Amrouche, Montpellier, Université Paul Valéry, 2000
André Gide Vol. 1. Les jeunes années. Entretiens avec Jean Amrouche André Gide Vol. 2. Les années de maturité. Entretiens avec Jean Amrouche. À écouter en intégralité.

Sur Jean Amrouche [modifier]
Jean Déjeux, Bibliographie méthodique et critique de la littérature algérienne de langue française 1945-1977, SNED, Alger, 1979.
Jean Déjeux, Dictionnaire des auteurs maghrébins de langue française, Paris, Editions Karthala, 1984 (ISBN 2-86537-085-2).
Jean Amrouche, l'éternel Jugurtha, Rencontres méditerranéennes de Provence, 1985, Marseille, Jeanne Lafitte, 1987
Jean-Louis Joubert, Jean Amrouche, dans Dictionnaire de Poésie de Baudelaire à nos jours, sous la direction de Michel Jarrety, Paris, Presses Universitaires de france, 2001 (ISBN 2130509401)
Réjane Le Baut, Jean El-Mouhoub Amrouche, Algérien universel, biographie, [avec une bibliographie de L'œuvre écrite publiée, de L'œuvre parlée éditée et l' Analyse et inventaire des inédits], Alteredit, 2003 (ISBN 2846330522)
Colloque "Jean Amrouche et le pluralisme culturel" 31 janvier-1er février 2003, Paris - IHESS - Revue AWAL n° 30, décembre 2004.
Réjane Le Baut, "Jean El-Mouhoub Amrouche, Algérien universel" 2e édition Alteredit, mars 2006 [ISBN 2-84533-095-6]
Réjane Le Baut, "Jean El-Mouhoub Amrouche, Muthe et réalité"; éditions du Tell, 3 rue des Frères Torki - 09000 Blida - Algérie - août 2005 - 400 DA.

Autour de Jean Amrouche [modifier]
Fadhma Aït Mansour Amrouche [sa mère], Histoire de ma vie, 1968; Paris, François Maspero, 1972
Taos Amrouche [sa sœur], Moisson de l'exil, I, Jacinthe noire. 1re édition, Paris, Edmond Charlot, 1947; réédition, Paris, Maspero. Moisson de l'exil, II, Rue des Tambourins, Paris, La Table Ronde, 1960. L'amant imaginaire, Nouvelle société Morel, 1975

Notes [modifier]
Il ne fut déclaré à l'état civil que 7 jours plus tard soit le 13 Février 1906, à cause du temps neigeux, dans le versant Nord de la vallée de la Soummam, dans l'un des villages kabyles de la commune d'Ighil Ali

Lien interne [modifier]
Littérature algérienne

Liens externes [modifier]
[1] Site dédié à Jean El Mouhouv Amrouche.
[2] Articles sur Jean Amrouche, images et poèmes.
[3] Site Internet du village natal de Jean El Mouhouv Amrouche.

lundi 15 juin 2009

la decouvere des juif berbere




amazigh
Parmi les travaux et domaines d’études concernant le passé des Juifs marocains, l’histoire des Juifs dans les régions à dominance berbère occupe une très faible place. Cela provient en partie de la nature fragmentaire des sources historiques provenant des zones rurales du pays [1]. Comparée à la documentation sur les Juifs parlant arabe, vivant dans les régions urbaines du Maroc et qui ont produit un nombre considérable d’écrits, les données historiques sur la vie des Juifs berbères ou vivant parmi les Berbères, avant la période coloniale, sont très éparses, presque toujours de seconde main, et sont souvent basées sur des mythes d’origines et des légendes. Les voyageurs étrangers en visite au Maroc dans la période pré-coloniale, qui ont établi, quoique de façon inexacte, les listes des tribus et des " races " du pays ont rarement fait la distinction entre Juifs berbérophones et Juifs arabophones [2]. Les Juifs ont été considérés comme une catégorie à part, aux côtés des Maures ou Andalous, des Arabes, des Berbères et shleuh. Peu d’Européens ont voyagé à l’intérieur du Maroc avant le XXe siècle, et ceux qui le firent, comme John Davidson (qui fut tué) en rapportèrent des informations peu fiables. James Richardson, un militant anti-esclavagiste britannique, qui a visité le Maroc en 1840, a poussé plus loin les observations de Davidson ; il a été le premier à désigner les Juifs de l’Atlas comme des " juifs shelouh ", parlant berbère et dont les coutumes et caractéristiques étaient les mêmes que celles de leurs voisins non-juifs [3].
Cette référence aux Juifs berbères est, cependant, encore très inhabituelle et de fait, elle n’a pas donné lieu à des hypothèses hasardeuses sur les origines berbères des Juifs. D’après la plupart des visiteurs européens du XIXe siècle, les communautés juives elles-mêmes se revendiquent fermement comme descendant des Juifs de l’Ancien Israël. Les seules distinctions qu’on y trouve sont celles relatives aux clivages entre Juifs espagnols et Juifs autochtones, un clivage que les Juifs du Maroc eux-mêmes mentionnent par les termes " d’expulsés " et de " résidents " (megorashim et toshavim).
A la fin du XIXe et au XXe siècles, les voyageurs et ethnographes " découvrent " un grand nombre de communautés dispersées et donnent de ces Juifs vivant parmi les Berbères une image totalement différente de celle des communautés juives des régions urbaines. Sous le protectorat français, l’image des Juifs berbères va être définitivement établie conformément aux études qui leur seront consacrées par l’ethnographie coloniale, ainsi que par les hommes de l’Alliance israélite universelle. Enfin, la société israélienne va y ajouter sa touche, reflétant l’apport sioniste et le développement de stéréotypes à l’égard des Juifs marocains, dont la plupart ont immigré en Israël entre 1950 et 1960.
Mon propos concerne la façon dont a été formulée la perception des relations judéo-berbères aux XIXe et XXe siècles en me référant tout particulièrement à la documentation sur les Juifs d’Iligh, une communauté qui vivait avec les Berbères dans une région de langue tashelhit, du Sous [4].
La découverte des Juifs berbères
L’intérêt des Européens pour les Juifs des régions apparemment " éloignées " du monde n’est pas une invention du XIXe siècle ; ce qui est nouveau, c’est la signification conférée à cet intérêt. La recherche sur les tribus perdues n’est plus motivée uniquement par des considérations d’ordre messianique, car à l’ère du colonialisme triomphant, la recherche ethnographique sur les communautés lointaines d’Orient est devenue un moyen de gouvernement.
De plus, pour les Juifs européens, la découverte de coreligionnaires primitifs n’évoque pas seulement le souvenir des tribus perdues mais leur révèle aussi d’anciennes coutumes disparues, à un moment où eux-mêmes commencent à se considérer comme une nation et se tournent vers les terres bibliques du Levant pour restaurer la souveraineté juive [5].
Au début du XXe siècle, l’orientaliste et hébraïsant Nahum Slouschz parcourut l’Afrique du Nord pour y étudier les origines et l’histoire des communautés juives. Il a été le premier à étudier sérieusement l’histoire des communautés vivant dans les régions intérieures du Maghreb. Slouschz croyait que pendant les siècles qui ont précédé l’expansion arabe en Afrique du Nord, les Juifs, originaires de Palestine, se sont répandus parmi la population berbère et en sont devenus un élément dominant [6]. Durant l’époque coloniale, ses opinions sur les origines berbères des Juifs vont avoir force de loi [7]. En 1906, Slouschz fut envoyé en mission au Maroc par la Mission scientifique du Maroc, grâce à ses relations avec son directeur, Le Chatelier [8]. La mission, parrainée par le Comité de l’Afrique française, a publié les premiers travaux importants sur la société marocaine. Slouschz faisait partie de ce cercle et ses idées influencèrent largement la vision française du judaïsme marocain. Après l’établissement du protectorat français, il retourna au Maroc et fut chargé par les autorités coloniales d’étudier les communautés juives et de soumettre ses conclusions au Résident-Général Lyautey en vue de leur réorganisation. Slouschz était sioniste et, en tant que tel, voulut " régénérer " le judaïsme marocain et réveiller sa conscience nationale juive. C’est en partie à cause de ses idées sionistes que les autorités françaises décidèrent de le relever de ses fonctions officielles [9].
Les tendances sionistes de Slouschz et ses efforts pour découvrir le passé juif berbère pré-arabe du Maroc procédaient d’une vision très cohérente. La population juive urbaine des grandes villes arabes du Maroc était très attachée à ses savants autant qu’à ses traditions. Pour Slouschz, ce sont les Juifs descendant des Berbères (comme il le croyait), avec leurs manières primitives et pénétrées d’influences locales, qui représentent les " vrais " Juifs nord-africains
" maintenant que l’Afrique est entrée également sous l’égide de l’influence occidentale ", écrit-il, " la pénétration de la civilisation française et l’émancipation de nos frères de Tunisie et du Maroc, suivant en cela l’exemple des Juifs algériens, vont faire disparaître le caractère spécifique du juif africain. Comme c’est déjà le cas dans les grandes villes françaises d’Afrique, les changements sociaux ont eu un effet radical sur les masses de la population, qui perdent rapidement leur individualité et leurs traditions millénaires [10] ".
Une fois ces coutumes abandonnées, grâce aux bienfaits de l’éducation occidentale, le judaïsme marocain aura-t-il une autre alternative que celle de rejoindre la nation juive moderne ?
C’est H. Z. Hirschberg qui le premier a mis en doute la thèse admise – établie d’abord par Slouschz et adoptée ensuite par de nombreux chercheurs de l’époque coloniale – selon laquelle les Juifs d’Afrique du Nord descendraient des tribus berbères converties au judaïsme dans 1’Antiquité. Hirschberg étudia systématiquement les traditions anciennes et parvint à la conclusion qu’il y a peu de preuves confirmant la thèse des Berbères judaïsés. D’après lui, la plupart des communautés se formèrent beaucoup plus tard, grâce à l’arrivée de commerçants juifs à l’intérieur du pays. Bien qu’il n’exclut pas qu’il ait pu exister des Berbères judaïsés, Hirschberg est sceptique quant à l’importance de ce phénomène [11]. Dans une étude récente basée sur des données linguistiques et ethnographiques importantes, Paul Wexler a réexaminé cette question, pour aboutir à la conclusion que la grande majorité des Juifs sépharades descendraient d’habitants d’Afrique du Nord convertis au judaïsme et installés en Espagne12. Si l’hypothèse de Wexler était exacte, il en découlerait que la plupart des Juifs marocains (toshavim comme megorashim) descendraient de Berbères convertis.
Les rares preuves contemporaines de l’existence de communautés juives en Afrique du Nord à l’époque pré-islamique ne permettent pas d’affirmer avec assurance l’importance démographique et culturelle du judaïsme parmi les Berbères. La première source historique évoquant des tribus juives berbères date du XIVe siècle. C’est le Kitab al-cibar d’Ibn Khaldoun [13]. Certes il y a également de nombreuses légendes locales sur les Juifs berbères au Sud marocain préislamique. Jacques Meunié, par exemple, est convaincu de l’authenticité de ces traditions et légendes, même si nombre d’entre elles n’ont été consignées que récemment [14]. Quelle que soit notre opinion au sujet de la conversion des tribus berbères au judaïsme dans l’Antiquité, on peut affirmer que des mythes sur les Juifs berbères ont existé au Moyen Age et que ces mythes concernaient également l’origine des Berbères dans leur ensemble. Ces mythes ont été élaborés afin de légitimer le pouvoir mérinide au XIVe siècle [15], avant d’être reformulés durant la période coloniale. L’historicité des légendes sur l’expansion du christianisme et du judaïsme parmi les Berbères à l’époque pré-islamique a pu servir les besoins de l’administration coloniale dans sa volonté de séparer les Berbères des Arabes. Comme l’écrit Jacques Meunié : " malgré la précarité des indications que nous possédons sur l’extension ancienne du christianisme et du judaïsme dans le Sud marocain, [ces traditions] méritent cependant d’être retenues parce qu’elles peuvent aider à connaître les divers éléments de populations berbères et leurs usages anté-islamiques, au cours de siècles plus récents, et même jusqu’à l’époque actuelle [16] ".
Exhumer les séquelles du passé berbère judéo-chrétien est un moyen parmi d’autres visant à justifier le régime colonial au Maroc.
Relations judéo-berbères : un cas particulier ?
Les études sur le Maroc des premières années du Protectorat français soulignent les différences existant entre les régions contrôlées par le Makhzen et les régions non soumises au contrôle du gouvernement central : bilad al makhzen / bilad al-siba. Considérée comme une division entre Arabes et Berbères, cette perception prédominante de la société marocaine développée par les ethnographes coloniaux et perpétuée – largement – par l’ethnographie post-coloniale, a été sérieusement remise en question [17]. Peu d’attention a été accordée à la façon dont ce dualisme simpliste entre makhzen et al-siba a influencé les débats sur le judaïsme marocain.
L’affirmation selon laquelle les relations judéo-berbères étaient complètement différentes des relations arabo-juives est liée de très près à cette vision d’une dichotomie entre makhzen et siba. On cite en exemple la protection efficace des commerçants juifs par les chefs tribaux, ou les patrons berbères, au point de les rendre intouchables. " Tout juif de bilad al-siba appartient corps et biens à son seigneur, son sid ", écrit Charles de Foucauld, dont les relations avec les communautés juives du Maroc font partie du corpus historique sur le judaïsme marocain [18]. Bien que le Juif soit protégé, Foucauld le décrit comme un être servile, exploité sans merci par son maître. Comme les régions berbères appartiennent au bilad al-siba, les Juifs se doivent d’obtenir la protection de chefs locaux et indépendants du Sultan. Slouschz considère la situation des Juifs du bilad al-siba à la manière de Foucauld : " à Tililit commence, pour les Juifs, le pays du servage, on pourrait même dire de l’esclavage. Tout ce que les Juifs possèdent appartient au Qaid, qui a droit de vie et de mort sur ses sujets. Il peut les tuer en toute impunité, il peut les vendre si tel est son désir... En échange de la perte de tous ses droits, le juif jouit de la sécurité, que le maître lui assure au risque de sa propre vie... Un Juif qui veut se marier doit acheter sa future femme au sid auquel appartient le père de la fille et qui est l’unique maître de son destin [19] ".
Alors que certains écrivains de la période coloniale considèrent la vie des Juifs dans les territoires berbères comme plus difficile que dans les régions citadines arabophones, d’autres au contraire, influencés par la thèse développée par l’ethnographie coloniale selon laquelle les Berbères étaient plus libres, plus démocrates et plus indépendants que les Arabes, qualifient la condition des Juifs dans les régions berbères de " meilleure " que parmi les Arabes. Cette idée avait des précurseurs depuis la première moitié du XIXe siècle. D’après Davidson, par exemple, les Juifs du Sous et du Rif étaient la " propriété des Maures ", mais " ils bénéficiaient néanmoins d’une plus grande liberté qu’à Tanger [20] ". De plus, d’après Davidson " les Juifs de l’Atlas sont de loin supérieurs, physiquement et moralement à leurs frères résidant au sein des Maures. Leurs familles sont nombreuses, et chacune d’elles est sous la protection immédiate d’un Berbère (les habitants originels d’Afrique du Nord), d’un patron, ou d’un seigneur. Ils ont par ailleurs leur propre sheikh, un juif, à la décision duquel tous les cas sont soumis. À la différence des Juifs résidant parmi les Maures, qui sont soumis à la loi musulmane, ils ne vivent pas dans le même état d’avilissement ou de servitude ; ils développent des relations de type patron/client [avec leurs voisins], tous ont les mêmes privilèges, et le Berbère est tenu de défendre la cause du juif en cas d’urgence. Ils disposent d’armes, et servent leurs patrons à tour de rôle [21] ".

Famille juive devant la porte de sa maison du mellah d'Illigh, Anti-Atlas, 1953
En un lieu indéfini au sud de l’Atlas que Davidson n’a pas pu atteindre durant son voyage, on rapporte que 3 000 à 4 000 Juifs " vivent en toute liberté, et pratiquent tous les métiers ; ils possèdent des mines et des carrières qu’ils exploitent, ont de grands jardins et d’immenses vignobles, et cultivent plus de maïs qu’ils ne peuvent en consommer ; ils disposent de leur propre forme de gouvernement, et possèdent leurs terres depuis l’époque de Salomon [22] ". Faisant sien le point de vue de Davidson, Richardson y ajoute que les pratiques religieuses de ces Juifs, datent de l’époque pré-exilique, et de ce fait " ils redisposent les parties du Pentateuque et de la Torah dans le même ordre que celui de l’ensemble des Juifs ". Vivant isolés, ils considèrent leurs frères des autres parties du Maroc comme des hérétiques [23]. Les Juifs de l’Atlas jouissent d’une " quasi indépendance vis-à-vis de l’autorité impériale ", comme leurs voisins berbères. De plus, ces Juifs " possèdent toutes les caractéristiques des montagnards... ils portent le même costume qu’eux, et on ne peut pas les distinguer [de leurs voisins musulmans [24]]".
L’une des raisons pour lesquelles certains écrivains de la période coloniale considéraient la situation des Juifs parmi les Berbères comme meilleure que parmi les Arabes venait de l’idée que les Juifs étaient totalement intégrés à la société berbère, partageant nombre de coutumes de leurs voisins musulmans. On considérait que les Juifs du Haut-Atlas, par exemple, vivaient en paix et en symbiose avec les Musulmans [25]. Les chercheurs contemporains se sont appuyés souvent sur la littérature ethnographique coloniale pour décrire les relations entre Musulmans et Juifs dans l’intérieur du pays. Malheureusement peu de Juifs originaires des zones berbères ont été interrogés sur leur expérience. Aussi loin que l’on remonterait, on découvrirait sans doute une variété d’expériences que l’on ne saurait ramener à une simple dichotomie arabo-berbère ou à un clivage entre zones citadines et rurales. Les sources dont nous disposons sur les relations entre Musulmans et Juifs à Iligh pendant la période pré-coloniale offrent à cet égard une image très contrastée de ces relations.
Les sources provenant d’Iligh montrent que la communauté juive de cette localité, aussi bien que la communauté voisine d’Ifran, étaient étroitement liées au chef de la puissante famille du Sharif de la famille Abu Dami’a. Les signatures et parfois les déclarations en judéo-arabe des Juifs d’Iligh et d’Ifran quand ils recevaient des acomptes du Shanf ou quand ce dernier leur payait ses dettes, sont consignées dans deux livres de comptes appartenant à Husayn b. Hashim [26]. Les Juifs d’Iligh, qui voyageaient souvent à Essaouira pour leur commerce, étaient considérés comme des protégés du Sharif. S’ils étaient dévalisés ou tués, le Sharif punissait en représailles la localité à laquelle appartenaient les criminels. Parallèlement, le Sultan étendait sa protection à ses tujjar qui voyageaient à Iligh pour le commerce ou pour recouvrer leurs dettes. Les Juifs entretenaient avec les puissants chefs d’Iligh des relations comparables à celles des Juifs du Sultan. Dans un rapport envoyé d’Essaouira (Mogador) à l’A.l.U, en 1874, par Abraham Corcos il y est relaté que les Juifs d’Iligh considéraient le Sharif comme tout puissant. " Étant donné que ce gouverneur... n’est pas soumis à l’autorité de notre roi du Maroc, tout est objet de prières et de suppliques [27] ". Ce qui y était en cause cependant n’était pas l’oppression du Sharif, mais celle dont la responsabilité en incombait à leur propre Shaykh (Nagid en hébreu) qui était fondé de pouvoir du Sharif. Le Nagid Mas’ud b. Bokha, est décrit comme étant " une personne non civilisée et inculte, qui soutire d’eux (les Juifs d’Iligh) des amendes pour rien ou pour les moindres choses [28] ". Nous y apprenons également que ce personnage même, Mas’ud b. Bokha avait des relations d’affaires étroites avec le Sharif Husayn b. Hashim [29]. Ce qui compte ici, c’est le fait qu’un appel ait été fait à Essaouira, en parfaite connaissance de l’influence exercée par l’Alliance israélite universelle. Sachant l’indépendance virtuelle du Sharif Husayn, les Juifs d’Iligh avaient compris que ce n’était pas au Sultan qu’ils pouvaient demander assistance. Mais vue l’interdépendance économique entre Iligh et Essaouira, c’est par le truchement des Corcos et de l’Alliance qu’ils avaient cru obtenir l’intervention du Sharif contre le Nagid.
Dans les années 1880, les relations entre les Juifs d’Iligh et les autorités d’Iligh changèrent de nature. Désormais, opprimés par le Sharif plutôt que par leur Shaykh, ils firent appel à l’Alliance et à l’opinion juive d’Europe de l’Ouest : sous le joug du puissant Sharif Muhammad b. Husayn b. Hashim, ils pouvaient être dépouillés à tout moment de leurs biens et de leur argent, et quand ils voyageaient pour leur commerce, leurs femmes et leurs enfants étaient tenus en otages sur place. En 1889, un commerçant prospère d’lligh, Isaac Souissa, se plaignit d’avoir été battu à mort par ordre du Sharif, le 9 Av. Il s’enfuit à Essaouira, où il demanda l’aide de l’A.I.U., de l’Anglo-Jewish Association et des consulats étrangers, pour obliger le Sharif d’Iligh à libérer sa femme et ses enfants et les autoriser à le rejoindre à Essaouira. Suivant les témoignages émanant de Juifs de cette localité, la plupart des Juifs du Sous vivaient en paix avec leurs voisins berbères à l’exception d’lligh et de son chef tyrannique [30]. Foucauld, qui visita cette région à la même période, explique que chez les Berbères disposant d’institutions démocratiques, chaque Juif y avait son patron, au contraire de la situation prévalant sous le régime des Shaykhs puissants, comme au Tazerwalt (c’est-à-dire à lligh), où les Juifs appartenaient corps et biens au Shaykh[31].
Plusieurs remarques s’imposent au sujet de ces témoignages. Le fait qu’ils aient été transmis à Essaouira, avec laquelle les Juifs d’Iligh avaient des liens étroits, montre que les Juifs étaient conscients de l’influence des organisations juives étrangères et recherchaient leur intervention. Il faut également souligner le fait que l’indépendance du Sharif d’Iligh fut compromise vers 1880 par les harka du Sultan Moulay al-Hasan [32]. Muhammad b. Husayn fut même nommé Qayid du Makhzen,recevant une maison à Essaouira [33]. Investi de l’autorité du Sultan, son pouvoir dépendait du Makhzen. Ce fut à cette période également que la ville de Tiznit devint le principal centre politique du Sous. Certains Juifs d’Iligh voulurent tirer profit de cette évolution et déménagèrent à Tiznit ou à Essaouira où ils pouvaient bénéficier de nouvelles possibilités commerciales. C’est ainsi que Isaac Souissa vint à la mahalla du Sultan pendant la harka de 1886 pour implorer la protection royale et demander au Sultan la permission de s’installer avec les siens à Tiznit. Il semble toutefois que le Sultan ne souhaitait pas porter atteinte à ses nouvelles relations politiques avec Iligh en provoquant la chute de son économie qui dépendait des commerçants juifs. Ainsi, invoquant le prestige du Murabit d’Iligh, le Sultan évita de faire pression sur le Sharif afin qu’il laisse partir les Juifs. Isaac Souissa et sa famille continuèrent à vivre à Iligh jusqu’au moment où Isaac parvint à s’enfuir à Essaouira en 1889. Le Sharif nia avoir maltraité Isaac ou sa famille et refusa de les laisser partir. Plusieurs mois plus tard, il annonça au Sultan qu’il avait relâché les enfants d’Isaac pour mettre fin aux accusations fallacieuses de la communauté juive à son égard [34]. Le Sharif d’Iligh reconnut à cette occasion que, soumis à des pressions étrangères, le Sultan était désormais le garant de la dhimma (protection) des Juifs du Sous.
De même qu’on a tendance à considérer les relations judéo-musulmanes comme étant le reflet des relations entre le Sultan et ses sujets Juifs, on a aussi tendance à considérer les relations judéo-berbères comme étant l’extension des relations entre les chefs de tribus et leurs protégés juifs. Autant qu’on puisse en projeter le sens dans le passé, les études récentes sur Iligh et sur les Juifs d’Iligh montrent que les liens sociaux entre Juifs et Arabes d’Iligh étaient très étroits, peut-être plus étroits que l’impression qu’en laisse le tableau des relations entre le Sharif et la communauté juive. Il ressort des conversations effectuées en 1980 qu’il les avait souvent fréquentés. Il nous a montré un manuscrit qu’il avait écrit lui-même sur la communauté juive. Il y mentionne en tout début de texte que les Juifs vivant à Iligh ont quitté " notre pays (ou village) pour se diriger vers leur pays " kharaju min baladina ila baladihim, et recense ensuite chaque individu de la communauté, par son nom, sur huit pages, non seulement les chefs de famille, mais aussi leurs femmes et leur enfants. Il poursuit en décrivant les coutumes des Juifs, puis signale " leur knesset, qui s’appelle sla ", et indique par leurs noms les fêtes juives : Pessah, Souccot, Yom Kippour et Hanouka [35], les prières quotidiennes qu’il appelle cArbit (Macariv), Sahrit (shahrit) et Milha (minha), et au moment de la [nouvelle] année, écrit-il, ils font des prières appelées slihot, pour lesquelles ils doivent se lever au milieu de la nuit. Le Faqih nous a également raconté qu’il écrivait des amulettes pour les Juifs. Les Juifs d’Iligh interviewés à Casablanca et en Israël nous ont confirmé l’étroitesse de leurs liens sociaux avec les Musulmans, tout en refusant d’admettre que le Faqih leur fournissait des amulettes. Ainsi donc, à la suite de l’exemple de cette seule communauté juive, nous pouvons affirmer que les relations judéo-musulmanes étaient loin d’être statiques et inchangées.
Le colonialisme et la question judéo-berbère
La politique coloniale française à l’égard des Berbères, telle qu’elle a été développée sous Lyautey avant d’atteindre son point culminant en 1930, avec la publication du Dahir berbère visant à séparer les Berbères des Arabes, reposait sur plusieurs stéréotypes. En premier lieu, celui de la résistance des Berbères indigènes du Maroc aux Arabes puis à toute forme d’autorité centrale, préservant jalousement leur liberté, leur individualisme et leurs institutions démocratiques. Deuxièmement, les Berbères n’auraient adopté que superficiellement l’Islam, conservant intactes ou presque leurs coutumes, leurs croyances et leurs superstitions pré-islamiques. Par conséquent, ils auraient résisté à l’application de la Sharia, maintenant farouchement leurs lois coutumières. Faute de respecter l’autorité suprême du Amir al-Mu’minin, les Berbères auraient " produit " leurs propres chefs marabouts. Le culte des saints, répandu chez les Berbères, serait le vestige d’une pratique pré-islamique. Fortement influencées par ces idées, les autorités françaises ont cru que les anciennes zones siba pourraient être assimilées à la culture française afin d’empêcher les progrès de l’arabisation [36].
Ces stéréotypes sur les Berbères furent d’une certaine façon reproduits à l’égard des Juifs vivant parmi les Berbères dont l’histoire, selon Slouschz, ne serait " que la quintessence de l’histoire des Berbères ". D’après lui, c’est " dans le blad es-siba, dans les qsour algériens et tripolitains, demeurés jusqu’ici inaccessible à l’infiltration européenne, qu’on peut retrouver le Judéo-Berbère dans un état à peu près semblable à celui des maghrabia tels que nous les représentent les littératures juives et arabe du Moyen Age ". A l’exemple de la population berbère musulmane qui est superficiellement islamisée, ces Juifs berbères primitifs " du judaïsme ne connaissent presque rien ". Là où il y a des saints judéo-berbères pré-islamiques, on trouve ces populations anciennes [37]. Slouschz se fait l’écho du discours colonial sur les Berbères, quand il écrit que les Juifs de l’Atlas font montre " d’une bonne dose de liberté [38] ". La dichotomie excessive entre makhzen et siba, élaborée pendant la période coloniale, est reproduite par Slouschz les Juifs du bilad al-makhzen reçoivent la protection royale de la dhimma, alors que ceux du bilad al-siba reçoivent celle de Sayyid individuels. Ces stéréotypes attachés aux Juifs vivant parmi les Berbères ont perduré pendant toute la période coloniale, pour devenir partie intégrante des idées reçues sur le Maroc traditionnel que l’on rencontre reproduites dans de nombreux ouvrages.
Toutefois il ne s’agissait pas seulement de représentations de l’Autre telles qu’elles avaient cours chez les Européens. Les Juifs marocains eux-mêmes ont fini par intérioriser ces stéréotypes, en particulier ceux d’entre eux ayant reçu une éducation française. Les Juifs du Haut-Atlas, du Sous et du Sahara – régions que les Français ont mis du temps à contrôler – étaient considérés par les Juifs marocains des villes comme des marginaux. Le mythe des Juifs berbères répercuté par les maîtres de l’Alliance et par les chercheurs français était devenu la réalité pour les Juifs marocains eux-mêmes. Dans l’étude la plus détaillée sur les conditions de vie des Juifs du Sud marocain, publiée peu après l’indépendance et basée essentiellement sur les informations fournies par les directeurs des écoles de l’Alliance, Pierre Flamand explique comment la " mentalité " des Juifs autochtones originaires des régions berbères a été façonnée par le milieu berbère. D’après lui, les Juifs appelés Shleuh sont faciles à identifier du fait de leurs noms, de leurs traits physiques et leur mode de comportement qui leur sont très typiques : leurs coreligionnaires d’autres extractions reconnaissent les Juifs dits shleuh à leurs patronymes : Abergel, Abouzaglo, Amoch, Assouline, Chriqui, Harrus, Oiknine, etc., et à quelques traits physiologiques et caractériels sommaires : larges épaules, fortes poitrines, yeux vifs dans des visages à traits fermes et droits, esprit d’entreprise, acceptation de rudes besognes [39].
L’épithète utilisé par les Juifs marocains pour désigner leurs coreligionnaires moins évolués, " fils de shleuh " avait une connotation péjorative. Répercutée chez Flamand cette image stéréotypique des Juifs ruraux s’est transportée en Israël par les immigrants juifs du Maroc et le terme shleuh est devenu synonyme de simplet en argot israélien.
Déjà à l’époque pré-coloniale, la migration des Juifs ruraux vers les villes a produit des clivages entre Judéo-berbères et Judéo-arabes. A Essaouira et à Marrakech, les Juifs " autochtones " se distinguaient de leurs coreligionnaires ruraux. Cependant une fois installés en ville, les Juifs berbères s’arabisaient et s’adaptaient à un environnement urbain plus civilisé [40]. Ce processus s’intensifia à l’époque coloniale, mais un certain nombre de Juifs vécurent dans leur région d’origine jusqu’à leur départ en Israël [41]. Par conséquent, les porte-parole de l’urbanisation et du progrès établirent une division hiérarchique entre les différents types de Juifs marocains que l’on retrouve souvent chez Slouschz et ses émules postérieurs. Ces différents types seraient les suivants Juifs hispanophones, à Tanger et dans les régions du Nord ; Juifs parlant français et arabe, sur la côte et dans les villes de l’intérieur ; groupe arabo-berbère du centre du pays ; groupe arabe et shleuh du sud ; Juifs arabophones du Sahara [42]. Les classifications postérieures adoptées par les chantres de l’occidentalisation, comme l’Alliance, ramenèrent ces divisions à quatre catégories essentielles hispanophones, francophones occidentalisés, arabophones et berbérophones.
Les divisions sociales, suivant le schéma tracé par Slouschz, correspondaient aux divisions entre : makhzen et siba, monde urbain / monde rural. Cette vision simpliste devait influencer un bon nombre de chercheurs ayant travaillé sur les Juifs marocains durant le Protectorat français [43]. Inventée ou réelle, elle influença pareillement la politique de l’organisation qui a marqué le plus la vie des Juifs marocains pendant le protectorat français : l’A.I.U et ses écoles qui distinguèrent entre les Juifs du bled, comme on appelait les Marocains ruraux, et ceux de la ville. Ces stéréotypes ont été intériorisés par les Juifs marocains eux-mêmes, qui considéraient les Juifs des régions parlant tashelhit spécialement ceux des montagnes de l’Atlas, comme des Shleuh primitifs, bien que ceux-ci aient eu généralement des conditions de vie plus saines que celle de leurs frères des mellah urbains. Pendant la période du Protectorat, des tensions très vives entre les différentes couches de la population, accompagnèrent l’arrivée de nombreux Juifs ruraux originaires de l’Atlas dans le mellah de Marrakech. Ce qui fit dire, en 1940, à un observateur vivant à Marrakech que les Juifs " étrangers ", d’origine espagnole qui étaient mieux éduqués, furent submergés par les Juifs berbères. Ces Juifs ruraux, pensait-on, " ne pratiquaient qu’un judaïsme très primitif approprié à leur mentalité. La culture de la Torah, l’observation de quelques rites extérieurs, l’aumône au rabbin de Palestine, le mépris et l’hostilité des populations qui l’entourent tels étaient les seuls liens qui les rattachaient à la famille d’Israël ". Ces Juifs berbères primitifs, une fois urbanisés, devinrent plus juifs. Mais " de ces origines surtout rustiques et montagnardes, le juif marrakchi semble avoir gardé quelque chose de farouche et de têtu. Parmi ces coreligionnaires marocains, c’est lui qui se rattache aujourd’hui avec le plus de force aux coutumes de ses ancêtres [45] ". Flamand, qui reprenait les idées de ses informateurs de l’Alliance, considérait que les traditions religieuses des Juifs du Sud avaient été contaminées par des influences " orientales ", déformées par un isolement millénaire des grands centres du judaïsme mondial, assimilant et intégrant concepts et symboles de l’Islam, ainsi que toutes sortes de rites païens tirant leurs sources d’un animisme agraire chargé de pratiques superstitieuses. Les Juifs restés dans les régions berbères, de plus en plus isolés du reste du pays au fur et à mesure que s’intensifiait l’urbanisation, étaient plus marginalisés encore, et cela d’autant plus que l’émigration les privait de leurs meilleurs éléments [47]. Le fossé entre ceux qui restaient dans les campagnes, parmi les Berbères, et ceux vivant en ville était plus profond que jamais : " entre le Juif espagnol ou oriental lettré érudit, urbain et le Juif berbère, fruste, primitif, attaché à son sol, l’opposition est saisissante [48] ".

Jeune femme en tenu traditionnelle, Tineghir, vallée du Todra, 1958
Ainsi, l’image du Juif berbère, " isolé du monde civilisé [49] ", descendant des tribus berbères autochtones et maintenant des coutumes primitives était parfaitement acceptée par la société coloniale. L’idée de trouver des Juifs shleuh a guidé initialement mes recherches dans le Sous. Une des questions à laquelle je voulais répondre était de savoir jusqu’à quel point les Juifs de l’Atlas et de l’Anti-Atlas utilisaient le berbère dans l’enseignement pour expliquer et traduire les textes religieux, ou pour réciter certaines prières seulement [50]. La question fut posée déjà par Galand et Zafrani avec la publication de la Haggada de Pessah de la communauté juive de Tinrhir, basée sur un texte oral en tamazight. Cette Haggada berbère a toutefois soulevé plus de questions qu’elle n’a apporté de réponses. Le paysage linguistique de la communauté juive, comme le souligne Zafrani, n’est pas net. La question de l’usage du berbère par cette communauté et par d’autres communautés judéo-berbères à des fins liturgiques est loin d’être élucidée.
Certaines preuves linguistiques semblent démontrer l’existence, au XXe siècle, de communautés juives éparses berbérophones. Certains chercheurs estiment que ce phénomène était beaucoup plus étendu que je ne le considérais moi-même. Des recherches récentes effectuées en Israël parmi les Juifs originaires de régions berbérophones m’ont confirmé cependant que très peu de communautés parlaient berbère à la maison avant la seconde guerre mondiale [51]. Peu d’observateurs des périodes antérieures se sont penchés sur la géographie linguistique juive du Maroc rural. Exception faite de Foucauld qui affirme : " les Israélites du Maroc parlent l’arabe. Dans les contrées où le tamazight est en usage, ils le savent aussi ; en certains points le tamazight leur est plus familier que l’arabe, mais nulle part ce dernier idiome ne leur est inconnu [52] ". Foucauld se réfère-t-il aux deux dialectes du Moyen-Atlas, le tamazight et le tashelhit ? Ce n’est pas clair. Mais ses observations datant de la fin du XIXe siècle, selon lesquelles la plupart des Juifs des régions berbérophones connaissaient aussi bien le berbère que l’arabe et que dans certains endroits le berbère était mieux connu que l’arabe, semblent plausibles. Il s’avère par ailleurs que nombre de communautés importantes du Sous et du Haut-Atlas étaient arabophones même si la plupart des Juifs y parlaient aussi le berbère [53]. C’était le cas d’Iligh dont les habitants juifs parlaient l’arabe. Bien qu’on connaisse mal leur passé lointain, les documents écrits montrent que le judéo-arabe était leur langue de culture, du moins depuis le début du XIXe siècle. L’hébreu aussi était connu de l’élite culturelle, mais il n’y a nulle part trace du judéo-berbère, ni dans les textes écrits, ni dans la tradition orale. On n’a retrouvé aucune tradition indiquant que le berbère était utilisé dans l’enseignement, dans la lecture de textes religieux ou dans la récitation des prières.
S’agissant encore de la communauté juive d’Iligh, ce qui est frappant dans son histoire relativement courte – moins de 400 ans – c’est son cosmopolitisme et son ouverture relative sur le monde. Ainsi, ses habitants eurent vent, au début du XVIIe siècle, de l’avènement de Shabtai Tzvi [54].
Iligh fut détruite par Moulay Rashid en 1670, mais retrouva sa position politique à la fin du XVIIIe siècle sous Sidi Hashim. En 1815, Sidi Hashim est ainsi décrit : " un homme entre 50 et 60 ans, possédant une grande richesse et un grand pouvoir ; il est très rusé et très brave mais rapace et cruel ; il a sous ses ordres 15 000 cavaliers des mieux armés... Toutes les caravanes qui traversent le désert... jugent nécessaire de s’assurer son amitié et sa protection par des présents. Entre ce chef et l’empereur du Maroc existent la plus implacable des haines et une jalousie continuelle qui, il y a quelques années, a éclaté en guerre ouverte [55] ". Assurément le chiffre de 15 000 soldats est exagéré, car un marin naufragé qui fut détenu pendant un certain temps dans l’Oued Noun parle de 600 Arabes " montés " seulement sillonnant le pays [56]. Mais les observateurs contemporains évoquent la puissance politique d’Hashim et le rôle prépondérant d’Iligh dans le commerce transsaharien. Grâce à ses commerçants juifs, Iligh était reliée à l’Europe par le port d’Essaouira [57]. Il n’y avait pas que les marchandises et les commerçants qui arrivaient du littoral à lligh. Des émissaires de Palestine, comme Haim Joseph Masliah, en 1817, passèrent également par Iligh [58], ainsi que des marins européens naufragés sur la côte et tenus en otage à Iligh. Grâce à leurs relations avec le port d’Essaouira, les Juifs d’Iligh servaient d’intermédiaires pour le rachat et la restitution de ces captifs aux consulats européens installés dans cette ville [59].
Avec le déclin du commerce transsaharien et la ruine d’Essaouira comme port international à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, Iligh cessa d’être un centre de commerce international. Ceci porta atteinte à la communauté juive locale dont les relations avec le monde extérieur s’amenuisèrent. Cette situation s’aggrava davantage encore pendant la période coloniale et jusqu’à la seconde Guerre mondiale. Après la guerre, l’Alliance commença à développer son réseau des " écoles de bled ". Dans l’optique de ses dirigeants, cette expansion à l’intérieur du " vrai bled " devait englober les " villages isolés des vallées de l’Atlas, du grand Sud et des oasis pré-sahariennes [60] ". C’est donc vers la fin du Protectorat français qu’Iligh devait attirer l’attention de l’Alliance qui y créa sa première école en 1954 [61], aussitôt fermée avec le départ de la communauté quelques années plus tard. Pour marquer l’ouverture de l’école, on tourna un film : " Ils seront des hommes ". Lors de la projection du film, Jules Brunschvig, le vice-président de l’Alliance, proclama : " l’École tirera ces populations de leur misère [62] ". Un délégué de l’Alliance, en visite à Iligh, mentionna l’école comme " ’héroïne si l’on peut dire, du récent film de l’Alliance, et qui le mérite si bien [63] ". Toutefois, après l’indépendance du Maroc, l’idée de perpétuer les communautés juives des petits mellah du Sud marocain fut rapidement abandonnée, les dirigeants du judaïsme marocain ne pouvant faire grand-chose pour relever ces communautés rurales du Sud, pensant que celles-ci seraient mieux en Israël. " J’ai vidé les mellah ", me dit un membre important de la communauté en 1981.
Iligh était considérée comme éloignée du monde civilisé tant par les Juifs urbains que par l’Alliance. Sa communauté qui s’installa en Israël, entre la fin des années 1950 et le début des années 1960, n’était pas aussi éloignée du monde juif, comme les hommes de l’Alliance se l’imaginaient. Mais avant leur départ, les Juifs d’lligh ont enterré dans la vieille synagogue de leur localité une Geniza que j’ai fouillée en 1981. Malheureusement, presque tout son contenu était en décomposition à cause de l’humidité du sol. Il en restait quelques fragments datant de la période précédant le départ des Juifs. Des textes religieux, des livres de prières ainsi que des fragments de lettres et de livres de comptes en judéo-arabe. Certains fragments révélaient que quelques livres de prières en usage à lligh avaient été publiés en Pologne. Contrairement à l’idée prévalant en Israël, selon laquelle les Juifs de cette contrée étaient totalement ignorants du sionisme politique, la Geniza d’lligh nous a apporté la preuve de la diffusion de textes hébreux modernes et de pamphlets sionistes.
La recherche sur les Juifs vivant parmi les Berbères reste encore à faire et nous sommes conscients des lacunes qui restent à combler. Ce que j’ai essayé de montrer dans cette étude est que notre savoir sur les Juifs ruraux du Maroc reste largement tributaire des stéréotypes sur le Juif berbère, stéréotypes acceptés aussi bien par le colonisateur et que par les colonisés – reflétant les divisions internes existant au sein des communautés juives du Maroc sous le protectorat. Ces divisions ont été entretenues en Israël du fait de la pérennité des mythes concernant les Juifs berbères.
NOTES
Pour une carte préliminaire des communautés juives du sud marocain, voir l’étude ethnographique de Harvey E. Goldberg, " The Mellahs of Southern Morocco ", The Maghreb Review 8, 3-4,1983, pp. 61-69.
On peut en citer des dizaines d’exemples. Voir notamment la distinction entre Juifs parlant le berbère et juifs parlant l’arabe faite par Léon Godard, Description et histoire du Maroc, Paris. C. Tanera, 1860, p.15. L’auteur se réfère aux tribus berbères pratiquant le judaïsme dans l’Oued Noun et parmi les Amazigh. Il semble croire qu’i1s vinrent de Palestine dans de temps ancien. Il note que l’Oued Noun était une région arabophone.
Travels in Morocco, Londres. Charles J. Skeet. 1860. II. pp 7-10.
Nous avons publié avec le regretté Paul Pascon un premier article sur la communauté juive d’Iligh. " Le cimetière juif d’Iligh, 1751-1955 : étude des épitaphes comme documents d’histoire sociale ", Revue de l’occident musulman et de la Méditerranée. 34, 2, 1982, pp. 39-62. Une autre version de cet article a aussi été publiée dans Paul Pascon. La Maison d’Iligh et l’histoire sociale du Tazerwalt, Rabat, SMER, 1984. pp. 113-140.
Voir notre article " Orientalism and the Jews of the Mediterranean ", Journal of Mediterranean Studies, 4.2.1994, pp. 183-196.
Nahum Slouschz, Travels in North Africa, Philadelphia, The Jewish Publication Society of America, 1927, p. 274 ; idem, Un voyage d’études juives en Afrique, Paris, Librairie C. Klincksieck, 1909, pp. 3-15. L’hypothèse de l’origine berbère des Juifs à l’intérieur du Maroc a été émise par Moise Nahon, " Les Israélites du Maroc ", Revue des études ethnographiques et sociologiques, 2. 1909, p. 259. Slouschz avait déjà commencé à publier certaines de ses recherches dans Archives Marocaines, en 1905, mais Nahon ne les cite pas.
Voir, Abraham I Laredo, Berberes y hebreos en Marruecos, Madrid, Instituto de Estudios Africanos, 1954. Dans la période post-coloniale aussi, plusieurs chercheurs affirment que la plupart des Juifs indigènes de l’Afrique du Nord descendent des tribus berbères. Voir, par exemple, Gabriel Camps, Les Berbères : Mémoire et identité, Paris, Éditions Errance, 1995, p. 98.
Sur Le Chatelier et la Mission scientifique du Maroc, voir Edmund Burke, III, " La Mission scientifique au Maroc ", in Actes de Durham : Recherches récentes sur le Maroc moderne, Rabat, Publication du Bulletin économique et social du Maroc, 1978, pp. 37-56 ; idem, " The First Crisis of orientalism, 1890-1914 ", in Contemporary North Africa, éditeur Halim Barakat, Sydney, Croom Helm, 1985, pp. 217-219.
Sur la mission de Slouschz, voir Daniel Schroeter et Joseph Chetrit " The Reform of Jewish Institutions in Morocco at the Beginning of the Colonial Government (1912-1919) ", (en hébreu), Miqqedem Umiyyam, 6, 1995, pp. 77-81; voir aussi Mohammed Kenbib, Juifs et Musulmans au Maroc : 1859-1948, Rabat, Université Mohammed V, Publications de la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines, 1994, p. 411.
Slouschz Travels, p. ix.
H. Z. Hirschberg, " The problems of the Judaized Berbers ", Journal 0f African History, 4, 1963. pp. 312-339. D’après Norman Roth, la judéité des tribus berbères pré-islamiques est douteuse à cause de la répression du judaïsme durant l’occupation byzantine en Afrique du Nord. " The Kahina : Legendary Material in the Accounts of the Jewish Berber Queen ", The Maghreb Review, vol. 7, 5-6, 1982, p. 124. Tout en acceptant l’essentiel de sa thèse, Hirschberg a été critiqué pour avoir minimisé l’importance de la conversion des Berbères au judaïsme, en raison de ses travers européens. Hirschberg mêle, à son objectivité d’historien et d’orientaliste érudit, une certaine subjectivité de Juif occidental resté fidèle à ses traditions religieuses qui découragent le prosélytisme, (André Chouraqui. Histoire des Juifs en Afrique du Nord, Paris, Hachette, 1986, p. 65.) Par ailleurs, dans une étude sur les groupes sanguins marocains, il a été constaté que les juifs étaient différents de leurs voisins musulmans : certains auteurs en virent la preuve que si les Berbères ont été largement judaïsés à l’époque pré-islamique, la plupart ont été islamisés par la suite, et seuls les " juifs d’origine " ont conservé leur judaïsme. D. Mechali, J. Levêque, et P. Faure, " Les groupes sanguins ABO et Rh des Juifs du Maroc ", Bulletin de la Société d’anthropologie de Paris, série 10, 9, 1957, pp. 354-370.
The Non-Jewish Origins of the Sephardic Jews, Albany: State University of New York Press, 1996.
Histoire des Berbères, 4 vols, Paris, 1925-1956, vol. I, pp. 208-209.
D. Jacques-Meunié, Le Maroc saharien des origines au XVIe siècle, Paris, Librairie Klincksieck, 1982, pp. 173-188. Voir aussi Gabriel Camps, " Réflexions sur l’origine des Juifs des régions nord-sahariennes ", dans M. Abitbol, Communautés juives des marges sahariennes du Maghreb, Jérusalem, Institut Ben-Zvi, 1982, pp. 57-67.
Voir Maya Shatzmiller, L’Historiographie mérinide : Ibn Khaldun et ses contemporains, Leiden. E. J. Brill, 1982, p. 115ff.
Ibid, p. 188.
Voir en particulier Germain Ayache, " La fonction d’arbitrage du Makhzen ", dans Études d’histoire marocaine, Rabat, SMFR, 1979, pp. 159-176. Sur l’évolution de la perception des rapports entre makhzan et siba, dans l’ethnologie française du Maroc. voir Edmund Burke III, " The Image of the Moroccan State in French Ethnological Literature : a New Look at the Origin of Lyautey’s Berber policy ", dans Ernest Gellner et Charles Micaud, Arabs and Berbers (eds), Londres, Duckworth, 1973, pp. 175-199.
Reconnaissance au Maroc, 1883-1884, Paris, Challamel, p. 398.
Travels, p. 483.
John Davidson, Notes Taken during Travels in Africa, Londres, 1839, p. 165.
Ibid., p. 188.
Ibid., p. 192.
Richardson, Travels, 11, pp. 8-9.
Ibid, pp. 7-8.
Voir à ce sujet, " Jewish Existence in a Berber Environment ", dans Jewish Societies in the Middle East, ed. par Shlomo Deshen et P. Zenner, Wasbington DC, University Press of America, 1982, p. 107.
Archives d’Iligh. K3 et K10. Paul Pascon a examiné un choix d’extraits de ces livres de comptes d’Iligh, voir à ce sujet La Maison, pp. 80-81.
AIU/Maroc III. B. 14. Mogador 24 avril 1874, Abraham Corcos à AIU.
Ibid.
Extrait du registre K3, Archives d’Iligh.
Archives de l’Alliance israélite universelle (ci-après AIU)/Maroc III. C. 10 Mogador, le 19 juillet 1889, J de A Elmaleh à AIU ; Hamagid, 23 septembre 1889 ; " Yishaq b. Yais Halewi " dans Hasfirah 18, 1891: 573, 577. Le rapport du consul français ne mentionne pas les coups, mais suggère que les prêts constants qu’il était obligé de faire à Muhammad ont poussé Souissa à s’enfuir, Archives du Ministère des Affaires étrangères (Nantes), Tanger 95, Mogador, 23 août 1889, Lacoste.
Reconnaissance au Maroc, p. 400. Voir à ce sujet Allan R. Meyers, " Patrongage and Protection : The Status of Jews in Precolonial Morocco ", dans Jewish Societies in the Middle East, ed. par Shlomo Deshen et P. Zenner, Washington DC, University Press of America, 1982, pp. 99-100.
L. Justinard, Un petit royaume berbère : le Tazeroualt. Un saint berbère Sidi Ahmed ou Moussa, Paris, Maisonneuve, 1954, pp. 75-77 ; E. Gérenton, " Les expéditions de Moulay El Hassan dans le Sous, 1882-1886 ", Renseignements Coloniaux, (1924) : 265-286.
Moharned Ennaji et Paul Pascon, Le Makhzen et le Sous al-Aqsa, Paris, CNRS, 1988, pp. 125-126.
Ibid pp. 142, 169-170.
Il fait également référence à al-ashura al-kabira et al-sghira.
Voir Burke, " The Image of the Moroccan State ", pp. 193-194 et Kenneth Brown " The Impact of the Dahir Berbère in Salé ", dans Arabs and Berbers, op. cit., pp. 201-206.
Nahum Slouschz, " Hébraeo-phéniciens et judéo-berbères. Introduction à l’histoire des Juifs et du judaïsme en Afrique ", Archives Marocaines, 14, 1908, pp. 450-452.
Slouschz, Travels, p. 467.
Pierre Flamand, Diaspora juive en terre d’Islam. Les communautés israélites du sud marocain ; essai de description et d’analyse de la vie juive en milieu berbère, Casablanca, 1959, pp. 215-216.
Nahon, Les Israélites, p. 260.
Pour un exposé sur les mellah de l’Atlas dans les années 1930, voir Y. D. Semach, " Les saints de l’Atlas ", Paix et Droit, n° 10, décembre 1937, pp. 10-11, n° 1 janvier 1938, pp. 7-8, n° 2, février 1938, pp. 10-11.
Slouschz, Travels, pp. 377-379. Voir, par exemple, Manuel L. Ortega, Les Hebreos en Marruecos, Madrid. 1934, pp. 116-117 ; ces catégories, mutatis mutandis, sont reproduites intégralement par Michael M. Laskier, The Alliance Israélite universelle and the Jewish Communities of Morocco :1862-1962, Albany, State University of New York Press, 1983, pp. 20-21. Laskier s’appuie à ce sujet sur Nahon (Les Israélites, p. 260).
Voir, par exemple Doris Bensimon-Dorath, Évolution du Judaïsme marocain sous le Protectorat français, 1912-1956, Paris, Mouton & Compagnie, 1968, p. 13. Laskier The Alliance, pp. 14-16 ; idem, " Aspects of Change and Modernisation the Jewish Communities of Morocco’s Bled ", dans Communautés juives des marges sahariennes du Maghreb, édité par M. Abitbol, Jérusalem, Institut Ben-Zvi, 1982, pp. 331-332.
Cf. Flamand, Diaspora, pp 97-98.
José Bénech, Essai d’explication d’un mellah, s.d., pp. 29-30.
Diaspora, p. 306
Ibid., p 269.
Bénech, Essai, p. 11.
Goldenberg, Expédition, p. 27.
P. Galand-Pernet & Haïm Zafrani, Une version berbère de la Haggada de Pessah, Paris, Geuthner, 1970, p. 2.
Goldenberg, Mellahs of Southern Morocco, pp. 62-63.
Foucauld, Reconnaissance, p. 398.
A. Goldenberg, " Expédition dans le Haut-Atlas marocain ", Les Cahiers de L’Alliance Israélite Universelle, septembre 1952, p. 27. Pour Akka, voir Vincent Monteil, " Choses et gens du Bani ", Hespéris, 33, 1946, p. 39.
Adversaire notoire des Sabbatéens, Jacob Sasportas rapporte dans son ouvrage Zizat Nobbel Zvi, les rumeurs relatives aux dix tribus perdues circulant à Iligh : voir Hirschberg, The Problem, pp. 332-333.
Voir à ce sujet James Riley, An Authentic Narrative 0f the Loss 0f the American Brig Commerce, 1846, pp. 134-135.
Archibard Robbins, A Journal comprising an Account of the Loss of the American brig Commerce, 1851, pp. 213-214.
The narrative of Robert Adams, Londres, 1816, pp. 76-77, 150-152.
Archives Nationales d’Outre Mer, Aix-en-Provence : F80 1589A, dossier de Delaporte, Notes sur l’Afrique.
Public Record Office, F0 631/,4 avril 1816, Wiltshire ; Justinard, Un petit royaume, op. cit., pp. 64-67.
André Goldenberg, " Les Juifs du Maroc et l’Alliance : les écoles de bled ". Les Cahiers de l’Alliance israélite universelle, nouvelle série, n° 5 juin 1993, p. 24.
Elle comptait 42 élèves en 1954 : Flamand, Diaspora, p. 312. A la veille de l’Indépendance, l’Alliance était toujours intéressée par la perspective d’ouverture de nouvelles écoles dans les régions isolées du Sud. Voir Cochba Levy, " Notes de voyage dans l’extrême sud marocain ", Les Cahiers de l’Alliance Israélite Universelle, n° 83, mal 1954, pp. 26-32.
Ibid., p. 314.
Levy, Notes, pp. 31-32.